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— « Je le savais. »

— « Que M. Machault m’avait manqué de respect ? », demanda-t-elle. Ce n’est pas possible… »

— « Qu’il vous avait fait la cour, » répondit-il. Puis, après une seconde d’hésitation : « Lui et M. de La Guerche… »

— « M. de La Guerche ?… », répéta Hilda. Et avec quelles délices le jeune homme vit une mutinerie gaie remplacer, sur cette physionomie transparente, la révolte attristée de tout à l’heure. « On vous a raconté que M. de La Guerche m’avait fait la cour ?… Oh ! ça n’a pas été de la même manière… M. de La Guerche était un gentleman, lui… Mais comme il montait à cheval si comiquement, et comme il avait peur, Jack et moi, nous nous amusions, à lui donner des bêtes un peu cabochardes, — oh ! pas méchantes, mais qui dansaient… Il se risquait sur leur dos, en geignant, pour me suivre. Savez-vous qu’il m’a proposé de m’épouser, tout bonnement ! »

— « Et vous avez refusé ? »

— « Je ne l’aimais pas, » répondit-elle.

Elle avait donné cette raison de son refus à un établissement — aussi prodigieux pour elle que jadis, pour Lauzun, l’union avec la cousine du roi, — de son même petit air posé et ferme. Ce n’était pas le sublime sacrifice d’une étalagiste de grands sentiments. C’était l’affirmation presque ingénue d’une manière d’être qui lui semblait très simple, celle d’une fille qui a la conscience de se suffire par son propre travail et qui se mariera d’après son cœur. La maison Campbell lui versait tant par mois pour ses services d’écuyère, comme si elle n’eût pas appartenu à la famille du patron. Sur cette somme, elle s’habillait, payait sa pension à son père très régulièrement, se blanchissait, et elle trouvait encore le moyen de mettre quelque argent de côté. Jules ne douta pas une seconde