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plume et son encrier. Il n’a pourtant pas accordé une concession de plus à la société que le châtelain de Newstead Abbey. C’est une destinée moins romanesque peut-être, mais, en un sens, aussi poétique, sinon davantage.

II

Il faut bien apercevoir le caractère étrange de cette destinée pour juger l’œuvre écrite de M. d’Aurevilly du point de vue exact, et pour en pénétrer la secrète logique. Il y a une question à se poser devant chaque existence consacrée aux lettres : quelle sorte de volupté l’écrivain leur a-t-il demandée, à ces lettres complaisantes ? Car elles se prêtent à toutes les fantaisies, et pourvu qu’on les aime de tout son cœur, elles consentent qu’on les aime de beaucoup de façons diverses. Quelques auteurs exigent d’elles une gloire immédiate. Ils veulent exprimer leur époque et devenir, comme Latouche le disait de Mme Sand, un écho qui « double la voix » de la foule. C’est une conception qui convient à des âmes communicatives, faciles et chaudes, et il y a des règles d’esthétique qui lui correspondent. S’il veut réaliser cette ambition d’être l’orateur et le héraut acclamé de son temps, l’écrivain doit avoir un style de transparence et de bonne humeur. Une certaine largeur d’humanité,