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— C’est bon, mon oncle Jean, répondit l’enfant, d’une voix tellement épuisée que les larmes vinrent aux yeux de Jean.

— Allons, marchons… ou plutôt rampons ! dit Maurice.

Ils se remirent en route… Sans articuler un mot, ils allaient ainsi, quand Jean fit la remarque suivante, tout haut :

— On dirait que l’air se raréfie !

— Je l’ai constaté, moi aussi ! répliqua Maurice.

Le silence se fit de nouveau, puis Jean annonça :

— Le boyau s’élargit un peu et… Ô ciel ! ajouta-t-il aussitôt. Que Dieu ait pitié de nous !

— Qu’y a-t-il, Bahr ?

— Il y a que ce boyau est sans issue ! cria Jean. Sans issue, comprenez-vous, Leroy ?…

— Mon Dieu ! s’écria Maurice. Qu’allons-nous devenir ?…

— Nous sommes pris, dans ce boyau, comme des rats dans une trappe !

— Il ne nous reste qu’à nous préparer à mourir, alors, Jean, dit Maurice, car, jamais nous ne pourrons retourner en arrière !

— Nous allons essayer pourtant, Maurice ! dit Jean.

— La chose est impossible, Bahr, impossible ! À reculons, jamais nous n’y parviendrons !

Max se mit à pleurer tout haut.

— Ne pleure pas ainsi, Max, dit Jean.

— Je veux sortir d’ici ! sanglota l’enfant.

— Nous allons en sortir, cher petit. Nous n’allons pas mourir dans ce tuyau, bien sûr ! Retournons ! Retournons !

— C’est impossible, Bahr, je le répète ! dit Maurice.

— Vite ! Vite ! Dépêchons-nous ! cria Jean. L’air se raréfie de plus en plus et…

— Mais le chien ? dit Maurice. Il va nous nuire, car il ne peut marcher à reculons, vous le savez bien, Jean !

— Faisons-nous les plus petits possible ; je vais appeler le chien. Cette partie du boyau où je suis est assez large et il y a de la place pour que Léo puisse se retourner et nous suivre. Léo ! Léo ! appela Jean.

Ainsi qu’il l’avait prévu, Léo parvint jusqu’à son maître. Aidé de celui-ci, le chien put se retourner ; de cette manière, il pourrait suivre les excursionnistes et ne pas leur nuire.

Ce fut affreux ce retour en arrière ; si affreux que, quand Max, complètement épuisé, proposa à son oncle Jean de rester dans le boyau jusqu’au matin et d’y dormir, les deux jeunes gens faillirent y consentir.

— Max, dit Jean, même dans ce boyau où nous sommes, le bon Dieu nous voit et il veille sur nous… Ne nous décourageons pas, pauvre petit !… Nous avons beaucoup de chemin de fait ; nous arriverons bientôt à la fin de ce tuyau, j’en ai le pressentiment. Avec du courage et de la persévérance on vient à bout de tout, tu sais, même de sortir d’un boyau qui semble interminable.

Eh ! bien, oui, ils en sortirent du boyau ! Épuisés, il est vrai ; mais reconnaissants envers la divine Providence, qui leur avait donné le courage d’accomplir ce trajet demandant des efforts presque surhumains.

Ils revinrent sur leurs pas, franchissant, encore une fois le gouffre, puis le second boyau, (la tête la première, cette fois).

— Maurice, dit Jean, vous allez retourner à « Manoir-Roux » et emmener Max avec vous… Je n’oublierais jamais ce que vous avez fait pour m’aider à retrouver ma chérie… Mais, c’est assez !… Moi, je vais m’aventurer dans le boyau de gauche ; mais je m’y aventurerai seul, avec Léo.

— Vous abandonner ici, Bahr ! Jamais ! s’écria Maurice. Et je vous en veux un peu de me le proposer… Nous retournerons ensemble (et je crois que ce serait plus prudent) mais, si vous préférez aller de l’avant, je vous accompagnerai !

— Merci, Leroy ! répondit Jean. Mais, Max ?… L’enfant est épuisé et si vous…

— Je veux vous suivre, mon oncle Jean, dit l’enfant. Je n’ai plus du tout peur, maintenant que nous sommes sortis du boyau de tout à l’heure !

Le boyau de gauche n’avait qu’une trentaine de pieds de longueur d’ailleurs, et quand on l’eut franchi, on ne le regretta pas… Là-bas, tout là-bas, Jean, Maurice et Max aperçurent un petit point lumineux ; ce point presqu’imperceptible, c’était le jour, le grand jour, l’air, la lumière ! Hâtivement, ils s’y dirigèrent, et ils arrivèrent dans une sorte de grotte, faisant partie d’un amoncellement de rochers d’aspect quelque peu sinistre.

— Serions-nous dans le Sinistre Ravin ? dit Jean.

— Ça m’en a tout l’air ! répondit Maurice. Mais, sortons de cette grotte. Allons respirer l’air du dehors et admirer le beau soleil du bon Dieu, que j’ai bien cru ne jamais revoir !

Sortant de la grotte, Jean, Maurice et Max, suivis de Léo s’avancèrent sur la route, que surplombaient d’énormes rochers. Tout à coup, le chien partit à la course, pour revenir bientôt, cependant, se jeter dans les jambes de son maître. Léo avait l’air très effrayé et il geignait tout bas.

Nos trois explorateurs aperçurent, soudain, deux personnes qui, assises sur le bord d’un rocher, causaient ensemble… L’une de ces personnes, Jean reconnut immédiatement : c’était Marielle, sa chère fiancée, si mystérieusement disparue, il y avait quelques mois !… L’autre personne… (et Jean comprit la raison de la frayeur de Léo) l’autre personne, dont le visage était entièrement voilé de blanc, c’était le Spectre du ravin !


CHAPITRE XXI

MARIELLE ET YLONKA


Le Spectre du ravin !

Mais, quand il y aurait eu légion de spectres présents, cela n’eut pas empêché Jean Bahr de s’élancer vers Marielle et de l’étreindre dans ses bras.

— Marielle ! Marielle ! Ma chère bien-aimée ! Enfin, je vous retrouve !

— Jean ! Ô mon Jean ! Quel bonheur de vous revoir !

Mais Maurice s’approchait ; il venait présenter la main à Marielle.