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quitter, je ne puis que me réjouir de la nouvelle que vous venez de nous donner. Le docteur Magny est si charmant, si bon, et ensuite, je me console un peu de vous perdre, puisque vous serez notre voisine.

— Je vous félicite, Madame ! avait dit Claude. Le docteur Magny surtout mérite d’être félicité… Comme le dit Magdalena, vous nous manquerez beaucoup ; mais nous ne sommes pas des égoïstes, je l’espère, et nous prenons une très large part à votre bonheur.

— Magdalena, fit la dame de compagnie, jamais je ne me serais décidée de vous quitter si vous aviez continué à demeurer à L’Aire, sur la Pointe, là-bas ; vous y viviez si seule, si retirée ! Mais ici, vous avez tant de connaissances et d’amis ; vous êtes invitée et vous assistez à tant de fonctions mondaines ; vous recevez tant aussi ! Et puis, vous avez deux enfants maintenant ; vous…

— Je comprends parfaitement, fit la jeune femme. Vous vous seriez sacrifiée pour moi, jusqu’à la fin de vos jours, s’il l’eut fallu, chère bonne amie… Heureusement que…

M. de L’Aigle, interrompit Mme d’Artois, vous avez bien fait de venir demeurer ici… L’Aire était un splendide domaine, sans doute ; mais votre femme y était trop isolée.

— Vous avez raison, répondit Claude. Magdalena est trop jeune pour vivre dans l’isolement ; il lui faut les distractions et les plaisirs de son âge.

La Villa Magda fut en fête pendant bien des jours, à l’occasion du mariage de Mme d’Artois au docteur Magny. Les nouveaux mariés, à leur retour d’un court voyage de noces, durent assister à des dîners, des réceptions, des soirées donnés en leur honneur par les de L’Aigle, et aussi par Mme de Saint-Georges.

En ce qui concerne directement notre héroïne, jamais plus un seul soupçon ne lui vint, au sujet de Claude. Elle était, et elle serait toujours une des femmes les plus heureuses de l’univers. Son mari la comblait de soins affectueux et constants et ses enfants, vigoureux et bien portants, grandissaient autour d’elle.

Souvent, lorsque Magdalena entendait les cris joyeux de Claudette et de Théo, soit dans les corridors de la Villa Magda, soit sur la terrasse, elle se tournait vers son mari et, le cœur débordant d’émotion, elle lui disait :

— N’est-ce pas que notre bonheur est grand, mon Claude !

Quant à Claude, il se considérait l’homme le plus heureux de la terre, surtout depuis qu’il avait changé d’environs et de manière de vivre. Dans la province d’Ontario, où il avait élu domicile, jamais personne ne songeait à le nommer, même tout bas, « le mystérieux Monsieur de L’Aigle ».

Fin de la Cinquième et dernière Partie.