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hâte jamais de parler : la Vérité a pour elle l’éternité. M’ayant écouté avec attention, il répliqua doucement :

— Les Japonais sont-ils vraiment ce que vous dites ? Je ne le crois pas du tout. Et j’en voudrais avoir d’abord la démonstration. Ils sont ce qu’ils sont, voilà tout, avec des qualités et avec des défauts, et qui doivent être communs à beaucoup d’autres hommes. Ils ont emprunté, dites-vous, à la civilisation occidentale ce qu’elle a de pire ? Eh ! c’est bien possible. Il y a un auteur que je relis souvent, c’est Pascal ; Pascal a écrit à peu près : « On n’imite pas la chasteté d’Alexandre le Conquérant, mais on tâche de l’imiter dans ses conquêtes[1]. » De même, il est bien

  1. « L’exemple de la chasteté d’Alexandre n’a pas tant fait de continens, que celui de son ivrognerie a fait d’intempérans. On n’a pas honte de n’être pas aussi vertueux que lui, et il semble excusable de n’être pas plus vicieux que lui. On croit n’être pas tout à fait dans les vices du commun des hommes, quand on se voit dans les vices de ces grands hommes ; et cependant on ne prend pas garde qu’ils sont en cela du commun des hommes. On tient à eux par le bout par où ils tiennent au peuple. Quelque élevés qu’ils soient, ils sont unis au reste des hommes par quelque endroit.