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flottilles de transports, dès longtemps préparées, incessamment lancées des côtes japonaises, et qui déversent dans tous les ports coréens les troupes du Mikado ; pendant ce temps, la mobilisation des troupes russes qui commence laborieusement, lentement, avec des mécomptes presque quotidiens ; le transsibérien qui d’abord fonctionne mal, déraillements, voies de garage trop exiguës, rails trop faibles ; le flot des troupes arrêté par les glaces du Baïkal ; par là-dessus, incertitude de la direction suprême, qui, dans l’effarement et la précipitation, forme, défait, renoue des projets hâtifs, qu’elle abandonne aussitôt, pour en concevoir d’autres ; absence de plan d’ensemble ; une opinion publique fiévreuse, nerveuse, tumultueuse, qui, dans le même moment, passe de l’extrême illusion à l’extrême découragement, qui se déchaîne, s’entrechoque, s’exalte, s’épouvante, tourbillonne en des vertiges passionnés, qui voudrait tout savoir, à qui l’on ne dit rien, et qui imagine, invente, fermente et s’angoisse… Voilà les maux et voilà l’image de la Russie dans les