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Le gouvernement restait bouche bée. La perfidie du Japon, rappelant son ambassadeur sans attendre les explications russes, sa brutale agression, et, par là-dessus, son succès le confondaient. Que le Japon eût voulu, préparé, cherché, fomenté cette guerre, c’est de quoi il s’émerveillait. Le tsar voulait la paix, le tsar avait institué la Conférence de la Haye, le tsar avait l’âme généreuse d’un rêveur pacifique : n’était-ce point assez ? Alors que venaient faire ces Japonais importuns en travers des desseins de l’Empereur ? Le gouvernement croyait si fortement à la paix que le rappel de l’ambassadeur l’avait ému sans l’ébranler dans sa foi. J’ai assisté stupide à son inconcevable illusion. Rupture diplomatique, disait-on ; mais rupture diplomatique n’implique pas nécessairement l’état de guerre. Et le cabinet du comte Lamsdorf chercha des précédents ; et il en trouva vingt-deux ; dans vingt-deux circonstances, des gouvernements avaient rappelé leurs ambassadeurs sans mobiliser leurs armées… Victoire donc ! On pouvait encore détourner la guerre ; une puissance amie s’entremettrait,