Page:Bourdeau - Tolstoï, Lénine et la Révolution russe.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée

connaît de ses hautes origines aristocratiques, de sa jeunesse dissipée, tourmentée, de sa campagne au Caucase et en Crimée où il servait dans l’artillerie, de ses voyages à l’étranger, de la fréquentation des écrivains russes à ses brillants débuts. Il avait de bonne heure perdu la foi orthodoxe, se disait positiviste, tout en conservant l’habitude de la prière, de l’examen de conscience ; il tenait un journal, se reprochait ses défauts, ses vices, la sensualité surtout. Fier, obstiné, irritable, il aimait à contredire, suspectait la sincérité chez les autres, et sans parvenir à se corriger, se montrait toujours repentant. Il éprouvait, en dépit de ses accès d’humeur, le besoin de se concilier tout le monde, bêtes et gens. Jamais il ne frappait un chien ou un cheval.

Parmi les épisodes de ses voyages il suffit de noter l’impression de révolte que lui laissa l’attitude d’une foule élégante sur le balcon d’un hôtel de Lucerne, à l’égard d’un pauvre chanteur des rues, et la visite qu’il fit à Proudhon, en 1861, alors banni en Belgique et pour lequel Herzen, exilé à Londres, lui avait donné une lettre d’introduction. Après cet entretien, Proudhon écrivait de Bruxelles, le 7 avril 1861, à Gustave Chaudey :

Toute la Russie est dans la joie. C’est d’accord avec les boïards et après avoir consulté tout le monde, que le tsar a rendu son édit d’émancipation. Aussi faut-il voir l’orgueil de ces ex-nobles. Un homme fort instruit,