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jacques et marie

long de la rive habitée du St.-Laurent. Là aussi on punit la terre fécondée par le travail, on brûla tous les arbres fruitiers !…

Parmi les réfugiés de l’île St.-Jean, Jacques reconnut plusieurs des anciens habitants de la Missaguache, mais il ne revit aucuns de ses parents et personne ne put rien lui en dire. Cela lui laissa l’espoir qu’il les retrouverait quelque part au Canada.

C’est sous de pareilles circonstances que le capitaine Jacques Hébert vint se rallier avec son détachement à l’armée du marquis de Montcalm, pour livrer les derniers combats ; la mort qu’il avait vue se présenter à lui sous toutes les formes ; qu’il avait bravée, insultée et cherchée tant de fois, l’épargna encore sur les plaines d’Abraham, en 1759 ; de sorte qu’on le vit de nouveau, fidèle au rendez-vous des derniers braves, venir se ranger sous les ordres du chevalier de Lévis, le 25 avril 1760, à la Pointe-aux-Trembles, pour commencer une nouvelle campagne.


III

Ils se trouvèrent réunis, là, à peu près sept mille hommes ; à part quelques centaines de soldats laissés à l’Île-aux-Noix, à St.-Jean, à l’entrée du lac Ontario et à Montréal, c’était toute notre armée ; la Nouvelle-France, après avoir pressuré ses flancs pour en faire sortir toute sa sève généreuse, ne put compter sur plus de bras pour la sauver. Mais le chef était un de ces héros dont la Grèce a fait ses demi-dieux, et ceux qui le suivaient, peu habitués à choisir leurs bonnes fortunes, à énumérer leurs ennemis avant de les frapper, ne connaissaient pas encore la mesure de leur courage. Cette fraction d’armée allait en voir surgir trois devant elle toutes plus nombreuses qu’elle ; aussi, elle se hâtait de porter les premiers coups ; elle courait à ses adversaires les plus avancés.

Avant que les Anglais fussent prêts à se mettre en campagne et que leur flotte pût entrer dans le fleuve encore chargé de glaces ; avant la fonte des neiges et l’affermissement des chemins de terre, Lévis avait voulu aller surprendre la garnison de Québec, reprendre la ville, s’y fortifier à la hâte pour pouvoir ensuite offrir une résistance désespérée aux Anglais, en attendant les quelques secours que la France pouvait envoyer encore à la colonie. C’est dans ce but qu’il s’était embarqué à Montréal sur des petits bateaux, avec le noyau principal de ses troupes, et avait donné l’ordre aux autres