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    Du maître qu’il approche il prévient la justice,
    Et l’auteur de Joconde est armé d’un cilice.

Mais mieux encore que Racine, La Fontaine témoigne des sentiments qui l’animaient par cette lettre qu’il écrivit, un mois à peine avant sa mort, à son ami de Maucroy[1] :

« Tu te trompes assurément, mon cher ami, s’il est bien vrai, comme M. de Soissons me l’a dit, que tu me crois plus malade d’esprit que de corps. Il me l’a dit pour tâcher de m’inspirer du courage ; mais ce n’est pas de quoi je manque. Je t’assure que le meilleur de tes amis n’a plus à compter sur quinze jours de vie. Voilà deux mois que je ne sors point si ce n’est pour aller un peu à l’Académie, afin que cela m’amuse. Hier, comme j’en revenais, il me prit, au milieu de la rue… une si grande faiblesse que je crus véritablement mourir. Ô mon cher, mourir n’est rien ; mais songes-tu que je vais comparaître devant Dieu ? Tu sais comme j’ai vécu. Avant que tu reçoives ce billet, les portes de l’éternité seront peut-être ouvertes pour moi. »

Pareille lettre n’a pas besoin de commentaire ; et certes nous préférons de beaucoup ce grave et admirable langage à celui que tenait, bien des années auparavant, il est vrai, et sans doute en se jouant, le poète :

    Jean s’en alla comme il était venu,
    Mangeant son fonds avec son revenu,
    Et crut les biens chose peu nécessaire.

  1. Maucroy était chanoise de Reims et lié avec La Fontaine depuis l’année 1645.