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pour le génie du poète. Plus tard, lorsque les déceptions amères d’une affection illégitime trahie eurent amené Madame de la Sablière au repentir, sa piété dans ses saintes ardeurs et la pratique assidue des bonnes œuvres la rendirent presque une étrangère dans sa propre maison. Jusqu’à la fin de sa vie cependant, la noble femme continua de veiller de loin sur l’hôte qui lui fut toujours cher, mais dont elle ne disait plus comme autrefois, après avoir congédié tous les importuns et les domestiques, afin d’être toute à la poésie et à la conversation : « Je n’ai gardé avec moi que mes trois animaux, mon chat, mon chien et mon La Fontaine. »

La maison d’où Mme de la Sablière était absente le plus souvent, retenue près du lit d’une pauvre malade à l’hospice des Incurables ou ailleurs, cette maison semblait bien vide à La Fontaine. Presque sexagénaire déjà, il aurait eu plus que jamais besoin d’un intérieur aimable qui le détournât de certaines sociétés dans lesquelles il était entraîné par la facilité de son humeur et l’attrait d’une conversation plus spirituelle que réservée.

Pendant l’année 1683, une place se trouva vacante à l’Académie par la mort de Colbert. La Fontaine se mit sur les rangs et, ce qu’on n’eût pas attendu de son indifférence habituelle, « il prit fort à cœur, dit Montenault, le succès de cette affaire et c’est le seul trait d’ambition qu’on puisse remarquer dans le cours de sa vie. » Il se trouvait en concurrence avec Boileau, mais seize voix contre sept témoignèrent de la préférence de l’Académie pour le Bonhomme. Louis XIV, prévenu contre le poète à cause de ses Contes, témoigna quelque mécontentement de ce choix, et fit attendre six mois ses