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C’est à peu près vers cette époque qu’il faut placer un évènement raconté par les contemporains, Louis Racine, d’Olivet, etc et qui prouve, avec la bonhomie originale de La Fontaine, l’influence toute puissante de cet absurde préjugé du faux point d’honneur qui, à cette époque et sous le règne précédent surtout, fit tant de victimes. Dans la circonstance par bonheur, il n’y eut pas de sang répandu, et la querelle finit par un déjeuner où les amis, le verre en main, fêtèrent la réconciliation.

Le poète était fort lié avec un ancien capitaine de dragons retiré à Château-Thierry, nommé Poignant, homme franc et loyal, et déjà plus jeune. Tout le temps que Poignant n’était pas au cabaret, il le passait chez La Fontaine, et par conséquent, en l’absence de celui-ci, auprès de sa femme.

« Comment, lui dit un voisin médisant, souffres-tu que le capitaine s’installe ainsi chez toi chaque jour ?

— Et pourquoi n’y viendrait-il pas ? répond La Fontaine, c’est mon meilleur ami.

— Ce n’est pas ce que dit le public ; on prétend qu’il ne va chez toi que pour madame de La Fontaine.

— Sottises ! mais d’ailleurs que puis-je faire à cela ?

— Demander satisfaction l’épée à la main pour le tort qui t’est fait dans l’opinion.

— J’aviserai, dit La Fontaine.

Le lendemain, dès quatre heures du matin, il frappait chez Poignant qu’il réveille.

— Lève-toi vite, dit-il, et sortons ensemble pour une affaire importante.

— Laquelle ? demande Poignant.