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Maintenant, faut-il avec des biographes appeler un excès de zèle la conduite de l’abbé de l’Épée, dans la mystérieuse affaire du jeune Solar, émouvant épisode, dont s’inspirait quelques années après Bouilly, pour son drame représenté avec tant de succès, et qui n’a pas nui à la popularité de l’abbé de l’Épée.

Un jour de l’année 1775, que celui-ci s’était rendu à l’Hôtel-Dieu, « un enfant vêtu d’une casaque grise et coiffé d’un bonnet de coton blanc, costume uniforme de l’hôpital, lui est présenté par la mère Saint-Antoine, chargée du service de la salle. À une seconde visite, cette religieuse conjure l’abbé de le retirer de cette hôpital pour l’instruire. Il l’interroge, les gestes du sourd-muet lui donnent à entendre qu’il appartient à des parents riches, que son père boîtait et qu’il est mort ; que sa mère est restée veuve avec quatre enfants,… qu’il y a dans la maison des domestiques et un grand jardin qui rapporte beaucoup de fruits ; qu’un cavalier enfin, après l’avoir mené bien loin, l’a abandonné, le visage couvert d’un masque et d’un voile sur la grand’route. Son maintien, son air distingué sous les haillons de la misère, et sa pantomime expressive semblent confirmer cette déposition de l’orphelin » qui, lorsqu’il fut instruit, la confirma par des explications plus précises.

De ces explications et des longues et patientes recherches qui suivirent, non sans résultat, l’abbé fut amené à conclure que le sourd-muet, Joseph (nom qu’on lui donna), devait être le fils du comte de Solar, mort naguère, et auquel sa veuve n’avait survécu que peu de temps ; et il n’hésita pas à réclamer devant la justice