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soldat autrichien qui a tiré le coup et de le déclarer son prisonnier pour lui sauver la vie : ce n’est qu’alors qu’il fait connaître sa blessure. »

Bayard, assurément, ou quelque autre héros chrétien, n’aurait pas fait mieux.

Dans le livre assez récent de M. Martha-Becker, neveu de Desaix[1], nous trouvons à glaner bien plus encore que dans l’opuscule de Garat. Quoique appartenant par sa naissance à l’aristocratie, Desaix, dans son patriotisme intelligent, jugea que c’était pour lui un devoir de ne pas quitter son régiment, le 46e de ligne, resté, grâce au corps d’officiers et au bon esprit des soldats, pur de tout excès. Mais, pour tenir à cette résolution, il lui fallut une certaine force d’âme, car son frère et plusieurs membres de sa famille se trouvaient dans l’armée de Condé, et sa mère elle-même, pour laquelle sa vénération était profonde, s’étonnait qu’il ne les eût point imités. Lors d’un congé qu’il vint passer près d’elle, au château de Veygoux, ils eurent à ce sujet une explication :

— J’avais cru, dit Mme de Veygoux à son fils, que vous auriez suivi vos frères ?

— Maman, répondit-il, pouvais-je me séparer de mon régiment quand tous les officiers y sont demeurés ?

— Votre refus d’émigrer vous portera malheur et fera rejaillir une honte éternelle sur notre famille. Il ne vous reste plus qu’à venir garder nos troupeaux pendant que vos frères combattront pour la défense du trône.

L’amertume de ce langage, si pénible pour Desaix

  1. Le général Desaix, 1 vol. in-8o.