Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a été redevable de certains vers les plus heureux qu’on ait jamais lus ailleurs, de la conduite de son théâtre, qu’il a quelquefois hasardé contre les règles des anciens, et enfin de ses dénouements ; car il ne s’est pas toujours assujetti au goût des Grecs et à leur grande simplicité ; il a aimé, au contraire, à charger la scène d’évènements dont il est presque toujours sorti avec succès : admirable surtout par l’extrême variété et le peu de rapport qui se trouve pour le dessein entre un si grand nombre de poèmes qu’il a composés, etc. »

Racine, juge des plus compétents, et qu’on aime à voir rendre si pleinement justice à son illustre rival, a dit mieux encore : « Dans cette enfance, ou pour mieux dire, dans ce chaos du poème dramatique parmi nous, votre illustre frère[1], après avoir quelque temps cherché le bon chemin, et lutté, si j’ose ainsi dire, contre le mauvais goût du siècle ; enfin, inspiré d’un génie extraordinaire, et aidé de la lecture des anciens, fit voir sur la scène la raison, mais la raison accompagnée de toute la pompe, de tous les ornements dont notre langue est capable… À dire le vrai, où trouve-t-on un poète qui ait possédé à la fois tant de grands talents, tant d’excellentes parties, l’art, la force, le jugement, l’esprit ? Quelle noblesse, quelle économie dans les sujets ? Quelle véhémence dans les passions ! Quelle gravité dans les sentiments ! Quelle dignité et en même temps quelle prodigieuse variété dans les caractères ! Combien de rois, de princes, de héros de toutes nations nous

  1. Il s’adressait à Thomas Corneille reçu en remplacement de son frère.