Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pervers était précisément ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes. »

La princesse, en présence de ces assassins à gages affublés de la toge du juge, fut admirable de fermeté et ne montra pas moins de présence d’esprit que de dignité dans ses réponses. Bien que son défenseur n’eût pu conférer avec elle, et que le débat n’eût duré qu’un instant, Chauveau-Lagarde prit la parole et se montra à la hauteur de sa mission, en établissant d’abord que l’acte d’accusation n’avait aucune base sérieuse et que les faits allégués ne prouvaient rien autre chose que la bonté de cœur de Madame et l’héroïsme de son amitié.

« Après avoir développé ces premières idées (lisons-nous dans la Notice historique), je finis en disant : qu’au lieu d’une défense je n’aurais plus à présenter pour Mme Élisabeth que son apologie ; mais que, dans l’impuissance où j’étais d’en trouver une qui fût digne d’elle, il ne me restait plus qu’une seule observation à faire, c’est que la princesse, qui avait été à la cour de France le plus parfait modèle de toutes les vertus, ne pouvait être l’ennemie des Français. »

À ces paroles prononcées avec l’énergique accent de la conviction, le président du Tribunal, Dumas, s’emporta jusqu’au délire de la fureur, en reprochant avec une brutalité sauvage et impie à l’avocat « de corrompre la morale publique en ayant l’audace de parler des vertus de l’accusée. » « Il fut aisé de s’apercevoir que Mme Élisabeth qui, jusqu’alors, était restée calme et comme insensible à ses propres dangers, fut émue de ceux auxquels je venais de m’exposer : et après avoir, comme la Reine, entendu sans s’émouvoir son arrêt de mort,