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et par caractère. »L’homme qui parlait et qui agissait ainsi se croyait de bonne foi un grand homme d’État et s’étonnait et s’indignait qu’on ne le prît pas au sérieux.

Il ne semble pas douteux que cette personnalité, si fortement accusée dans les Mémoires d’Outre-tombe, n’ait été le grand malheur et aussi le tort de Chateaubriand qui eût dû apporter plus de désintéressement dans l’accomplissement de sa glorieuse tâche et donner à ses nobles labeurs leur véritable but dans lequel sa propre gloire ne vînt que comme une préoccupation secondaire, dernière, et non principale, comme l’affirme un de ses admirateurs, M. Loménie : « Paraître sous un beau jour devant la postérité, voilà la pensée dominante de toute la vie de Chateaubriand… Il n’hésite jamais à tout sacrifier, non-seulement des intérêts ou des ambitions, mais peut-être aussi quelquefois des convenances et des devoirs du moment, à cette constante préoccupation de l’avenir. »

Cela est d’autant plus étrange, d’autant plus inexplicable que, sincèrement et au plus profond de son cœur, Chateaubriand était chrétien et d’un christianisme non pas seulement spéculatif et théorique. Pourtant ce grand esprit, cette sublime intelligence, cette haute expérience même ne suffirent pas à l’éclairer dans la pratique, à faire tomber ce fatal bandeau que l’orgueil avait épaissi sur ses yeux à lui révéler ce qu’il avait proclamé plus d’une fois lui-même comme une vérité certaine, élémentaire, à savoir que l’humilité, que l’oubli plus ou moins complet de soi-même est la vertu essentielle du fidèle et que la religion seule peut et doit nous l’inspirer. Par l’obsession de cet orgueil étrange-