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dont les marchands vénitiens avaient fait comme l’entrepôt du commerce de l’Orient, les grands au contraire étaient parés, ainsi qu’aux jours de fête, d’habits magnifiques en étoffes légères et mœlleuses, ornées de plumes d’oiseaux de Phénicie et de plumes de paon, d’autres fois enrichies ou surchargées de fourrures, de pourpre de Tyr, et même de franges faites d’écorces de cèdre. L’Empereur ayant donné immédiatement le signal du départ, tous durent se mettre en chasse dans ce costume, et galoper tout le jour à travers les fourrés, les buissons et les ronces où les brillantes mais peu solides étoffes laissèrent maints lambeaux ; elles furent en outre transpercées par la pluie, tachées par la boue comme par le sang des bêtes fauves tuées pendant la chasse. Puis au retour, comme les courtisans, tout honteux de leurs habits déchirés et flétris, grelottant aussi par le froid, se hâtaient de descendre de cheval pour courir changer de vêtements, l’Empereur, qui voulait que la leçon fût complète, dit d’un ton bref :

« Inutile de changer d’habits avant l’heure du coucher ; ceux-ci sècheront mieux sur nous. »

Alors chacun, plus soucieux de son corps que de sa parure, s’empresse pour trouver un foyer où se réchauffer. Mais la chaleur du feu acheva de détériorer les minces étoffes et les légères fourrures qui, toutes grippées et plissées, se collaient sur les membres et le soir achevèrent de se gâter quand il fallut les retirer. Cependant l’Empereur avait donné l’ordre que tous, le lendemain, se présentassent devant lui avec le costume de la veille. On pense ce qu’il était. Il fallut obéir pourtant, mais non sans grande honte pour les illustres person-