Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sa courageuse franchise même ne le refroidissait pas. On raconte qu’un jour Bourdaloue, ayant prêché devant le roi, celui-ci lui dit :

« Mon père, vous devez être content de moi ; madame de Montespan est à Clagny.

— Oui, sire, répondit le prédicateur, mais Dieu serait plus satisfait si Clagny était à soixante-dix lieues de Versailles. »

On conçoit après cela que madame de Sévigné pût écrire : « Jamais prédicateur n’a prêché si hautement ni si généreusement les vérités chrétiennes… Le Père Bourdaloue frappe comme un sourd, disant des vérités à bride abattue, parlant à tort et à travers contre l’adultère. »

La même madame de Sévigné disait à sa fille : « Je m’en vais en Bourdaloue, » comme elle eût dit : « Je m’en vais en cour, » et ne laissait échapper aucune occasion d’entendre le célèbre prédicateur, témoin cette anecdote : Bourdaloue devait prêcher une passion que madame de Sévigné avait déjà entendue avec sa fille l’année précédente : « Et c’était pour cela, dit-elle, que j’en avais envie ; mais l’impossibilité m’en ôta le goût. Les laquais y étaient dès mercredi ; et la presse était à mourir. »

On ne saurait s’en étonner quand on lit aujourd’hui ces sermons, les premiers de ce genre, et dont le Père Bretonneau dit avec raison : « Il avait dans un éminent degré tout ce qui peut former un parfait prédicateur. Il reçut de la nature un fonds de raison qui, joint à une imagination vive et pénétrante, lui faisait trouver d’abord dans chaque chose le solide et le vrai… Ses divi-