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de simple patronage que sa famille exerçait et entreprit de soumettre toute l'Helvétie (1304). L'oppression de ses agents, surtout de l'impitoyable Gessler, fit soulever les trois cantons d'Uri, Schwitz et Unterwald : c'est alors qu'eurent lieu et la conspiration de Grutli, qui eut pour chefs Stauffacher, Walter Furst et Arnold de Melchthal, et l'aventure de Guillaume Tell : un soulèvement général éclata le 1er janvier 1308. Les 3 cantons primitifs, après de longs combats, battirent à Morgarten le duc Léopold I, fils d'Albert (1315), et formèrent la ligue perpétuelle de Brunnen. Ils s'adjoignirent successivement Lucerne (1332), Zurich (1351), Zug et Glaris (1352), Berne (1353). Deux autres victoires remportées sur les ducs d'Autriche (à Sempach et à Næfels, 1386 et 88), diverses conquêtes faites sur les domaines de ces ducs (1415 et ann. suiv.), rendirent bientôt les Suisses respectables à leurs voisins. En 1422 commencèrent à se former les Ligues grises (ou des Grisons). Mais de 1439 à 1450 la guerre de Tockenbourg mit les Suisses aux prises les uns avec les autres : Zurich se sépara, et la dissolution de la ligue semblait imminente ; à la même époque, ils furent attaqués à l'improviste par la France, que l'emp. Ferdinand III avait appelée à son secours (1444), et seize cents d'entre eux furent exterminés, après une héroïque résistance, à la bataille de St-Jacques, par le dauphin (depuis Louis XI). Cependant, tout rentra dans l'ordre en 1450 ; la paix fut conclue en 1453 avec la France, qui n'avait eu qu'à se plaindre de l'empereur. En 1460 eut lieu la conquête de la Thurgovie. Mais bientôt les Suisses virent de nouveau leur indépendance menacée par l'ambition de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne (1475) : malgré l'infériorité du nombre, ils repoussèrent cet ennemi redoutable et portèrent un coup mortel à sa puissance dans les batailles de Granson et de Morat (1476), et le renom de leur bravoure devint européen. De là leur alliance (dite Union héréditaire) avec la France et l'Autriche, puis le traité de Bâle avec l'Empire, qui dut renoncer à toute prétention sur la Suisse, 1499. L'accession de 5 cantons nouveaux, Fribourg et Soleure (1481), Bâle et Schaffhouse (1501), Appenzell (1513), vint compléter les 13 cantons. Pendant la même période s'effectuaient l'alliance du Valais (1475) et des Grisons (1497), la conquête de Locarno, de Lugano (1513), etc. C'est surtout alors que les Suisses furent recherchés comme troupes mercenaires. Après la bat. de Marignan, ou ils avaient combattu pour le duc de Milan, et où ils avaient été battus, malgré une héroïque résistance, par François I, ils conclurent avec la France une Alliance perpétuelle (1516), qu'ils ont toujours respectée depuis. De 1512 à 1530, les Grisons avaient soumis ou obtenu la Valteline : pendant la guerre de Trente ans, l'Espagne leur fit en vain la guerre pour la leur reprendre (1618-1638); enfin, en 1648, à la paix de Westphalie, le corps helvétique fut définitivement reconnu par l'Autriche et par l'Europe entière comme une puissance indépendante de l'empire. Le Protestantisme avait été introduit en Suisse dès 1519 par Zwingle (à Zurich), puis par Calvin (à Genève), et bientôt la majeure partie de la Suisse quitta le Catholicisme pour embrasser la Réforme ; de là nombre de petites guerres locales jusqu'à 1712, époque qui fixa l'État respectif des deux religions dans les 13 cantons. La Suisse fut tranquille depuis, jusqu'à la Révolution française. Alors surgit un parti qui voulait l'égalité de droits pour tous, l'unité de la Suisse, l'abolition de la distinction de cantons souverains et de sujets, et qui, pour en venir là, appela l'intervention française. Bonaparte, après le traité de Campo-Formio (1797), envoya Brune en Suisse pour y opérer la révolution désirée : elle eut lieu en effet, et le 12 avril 1798 fut proclamée la République helvétique une et indivisible, qui fut confirmée par la victoire de Stanz (9 sept.). Lors de la 2e coalition contre la France (1799), la Suisse devint le théâtre de la guerre et fut sur le point d'échapper à l'influence libérale de la France : la victoire de Masséna à Zurich rétablit cette influence. Après plusieurs changements successifs, et l'établissement provisoire de plusieurs constitutions éphémères, Bonaparte donna aux Suisses, le 19 février 1803, une organisation nouvelle, fédérative, sans inégalités : ce fut celle en 19 cantons. Après la chute de Napoléon, 1814, l'ancienne Confédération fut rétablie sous la présidence de Zurich. Une nouvelle constitution, élaborée par la diète réunie à Zurich, fut signée le 7 août 1815, sous le nom de Pacte fédéral ; l'admission du Valais, de Neufchâtel et de Genève, demandée par le Congrès de Vienne, porta alors le nombre des cantons à 22. Le traité de Paris de la même année (1815) reconnut la neutralité perpétuelle de la Suisse, et lui garantit l'intégralité et l'inviolabilité de son territoire dans ses nouvelles limites. La révolution française de 1830 eut son contre-coup en Suisse : Bâle se morcela en Bâle-Ville et Bâle-Campagne, 1833 ; le parti démocratique opéra une révolution dans le Valais en 1840 ; des troubles éclatèrent dans le Tésin en 1841, et à Genève en 1846. La courte guerre du Sonderbund (V. ce mot), heureusement terminée en 1847, amena la révision du pacte fédéral de 1815, et l'adoption de la constitution fédérale démocratique du 12 septembre 1848, qui régit encore le pays.

SULINA, une des bouches du Danube. V. SOULINA.

SULLY ou SULLY-SUR-LOIRE, Sulliacum, ch.-l. de c. (Loiret), sur la r. g. de la Loire, à 23 kil. N. O. de Gien ; 2527 hab. Patrie de Maurice de Sully, évêque de Paris. Titre du duché de Sully, érigé en 1606 par Henri IV en faveur de Maximilien de Béthune.

SULLY (Maurice de), évêque de Paris de 1160 à 1196, né de parents très-pauvres à Sully-sur-Loire, avait d'abord été réduit à mendier. Ayant reçu les ordres, il se distingua par son talent pour la prédication, fut nommé chanoine de Bourges et finit par être élevé sur le siége épiscopal de Paris. Il prit une grande part à la construction de la cathédrale de Paris, mais il mourut sans avoir vu achever cet édifice, qui fut terminé par son successeur Odon de Sully (lequel, malgré la ressemblance du nom, n'avait rien de commun avec sa famille).

SULLY (Maximilien de BÉTHUNE, duc de), ministre, né en 1560 à Rosny, près de Nantes (d'où, il porta longtemps le titre de baron de Rosny), m. en 1641, fut de bonne heure le compagnon de Henri de Navarre, qu'il suivit dans toutes ses guerres et aux côtés duquel il se distingua par son intrépidité. Un beau mariage, beaucoup d'ordre, des spéculations commerciales très-heureuses le rendirent fort riche en peu de temps : Henri IV crut ne pouvoir mieux confier les finances du royaume qu'à l'homme qui administrait si bien ses propres affaires, et il le nomma en 1597 surintendant des finances ; Sully se montra en effet financier parfait : il remit de l'ordre dans les comptes, fit rentrer un arriéré considérable, paya des dettes écrasantes, suffit aux dépenses des guerres avec l'Espagne et la Savoie, et à l'achat des places qui restaient encore aux chefs ligueurs, créa de grands approvisionnements de guerre, poursuivit partout les abus et les prodigalités, et, tout en diminuant les impôts, amassa un trésor de 42 millions. Il encouragea surtout l'agriculture, répétant ces sages paroles : « Labourage et pastourage sont les deux mamelles dont la France est alimentée. » Dans ce but, il proclama la liberté du commerce des grains, abolit un grand nombre de péages, qui élevaient comme autant de barrières entre les provinces, ouvrit de grandes voies de communication, et fit creuser plusieurs canaux, notamment celui de Briare. Au titre de surintendant des finances, Sully joignait ceux de gouverneur de la Bastille, de grand maître de l'artillerie et des fortifications, de grand voyer de France, de surintendant des bâtiments, de capitaine héréditaire des eaux et rivières, et le gouvernement du Poitou. Peu de temps après la mort de