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gne étaient vaguement compris par les anc. dans la Germanie septentr. et la Scythie d'Europe. Aux VIe et VIe siècles, ces pays furent envahis par des tribus slaves connues sous les noms de Lettones et de Lèches, qui plus tard furent réunies sous le nom de Polènes ou Polonais, c.-à-d. Slaves de la plaine. Ce n'est guère qu'au VIIIe que la Pologne commence à former un État unique et à part. A partir de l'an 842, elle est gouvernée par des ducs particuliers, du nom de Piasts, qui, plus tard, s'étant soustraits à la suzeraineté de l'empire d'Allemagne, prennent le titre de rois sous Boleslas I, vers l'an 1000. Le Christianisme y avait été introduit dès 966 par Miécislas I. Le nouveau royaume commençait à prospérer ; mais les partages perpétuels du territoire entre les fils des princes, l'anarchie de 1037 à 1042, la guerre civile de Zbignev, la séparation delà Silésie (1168), la lutte entre Lech le Blanc et Miécislas III ou son fils (1195-1207), vinrent compromettre son existence. La Pologne se relevait de ces maux, quand l'invasion mongole (1241-1287) lui fit souffrir des pertes incalculables. Après la mort de Lech le Noir, elle fut livrée de nouveau aux troubles intérieurs (1295-1306). Cependant le pays s'agrandit et prospéra sous Vladislas le Nain et surtout sous Casimir III : avec ce dernier finit la ligne aînée des Piasts. Louis le Grand, son gendre, joignit la Hongrie à la Pologne ; mais après lui, ses deux filles, Hedvige et Marie, se virent réduites chacune à l'une des deux couronnes. Hedvige, à qui était échue la Pologne, amena la réunion de la Lithuanie et de la Pologne en épousant (1386) le grand-duc de Lithuanie Jagellon, qui se convertit et prit le nom de Vladislas V. Cette réunion, qui ne fut consommée qu'en 1444 (Voy. LITHUANIE), doublait le territoire du royaume. La période des Jagellons (1386-1572) fut, avec les 80 années qui la précédèrent (sous Lech VI, Casimir III et Louis le Grand), la plus belle époque de la Pologne. Pendant ce temps, cette nation donna des rois à la Bohême, à la Hongrie, réunit à la couronne d'anciens grands fiefs qui s'en étaient détachés ; acquit la moitié de la Prusse (la Prusse occident. ou royale), avec suzeraineté sur la Prusse orient. ou ducale, plus la Livonie (1560), qui lui fut assurée par la paix de Kieverova-Horka (conclue avec Ivan IV); en outre, elle établit sa suzeraineté sur la Courlande (1561). A la même époque, la Pologne résistait glorieusement aux tentatives des Turcs, devenus ses voisins depuis la chute de l'empire grec. Malheureusement, la féodalité acquérait de plus en plus de force : après l'extinction des Jagellons dans les mâles (1572), la royauté fut déclarée élective (Henri de Valois, Henri III, fut le premier élu, 1573); mais, à chaque élection, de nouvelles restrictions, sous le nom de pacta conventa, affaiblissaient de plus en plus le pouvoir : de là, insuffisance de l'impôt, manque de suite, de concert, point de secret dans les délibérations, point d'armée réelle, pas même de fortifications. Les querelles religieuses, suscitées par la naissance du Protestantisme, hâtèrent encore la décadence de la Pologne ; en vain la diète de Wilna (1563) avait-elle décrété la tolérance et accordé aux dissidents les mêmes droits qu'aux Catholiques ; ce décret fut violé sous les Wasa et aboli sous Michel Wisnioviecki. Le dernier acte de puissance de la Pologne fut son intervention dans les troubles de la Russie à l'occasion du meurtre du faux Dmitri (1605), la prise de Moscou (1611), et les traités de Divilino (1618) et de Viazma (1634), par lesquels la Russie abandonnait non-seulement la Livonie, mais les provinces récemment conquises de Smolensk, de Tchernigow et de Novgorod-Séverskoï. Depuis, elle ne fit que rétrograder : elle fut dépouillée en 1657 de sa suzeraineté sur la Prusse orientale ou ducale, perdit la Livonie en 1660, par la paix d'Oliva ; Smolensk, l'Ukraine occid. et la Sévérie en 1667, par le traité d'Andrussof. La Pologne reprend un éclat momentané sous J. Sobieski, qui repousse les Turcs au moment où ils allaient s'emparer de Vienne (1683) et qui leur reprend plusieurs provinces ; mais les fautes croissantes de la noblesse et du sénat empêchent l'État d'y rien gagner, et Sobieski se voit forcé de signer en 1686 le traité de Moscou qui lui enlève la Podolie et Kiev. Pendant la grande guerre du Nord (1700-1721), l'invasion de Charles XII, la lutte entre deux compétiteurs au trône, Auguste (que soutenait le czar Pierre) et Stanislas Leczinski (que soutenait Charles XII), achevèrent la ruine de la Pologne. Enfin, à la faveur des discordes qui armaient les uns contre les autres, les Catholiques et les dissidents, les Russes occupèrent la Pologne, et Catherine II fit violemment proclamer roi Stanislas Poniatowski, son ancien amant (1764). Il se forme alors contre l'influence russe un rokoss de patriotes, dit Confédération de Bar (1768); Louis XV et la Porte prêtent leur appui aux confédérés, mais la chute de Choiseul en France et les succès des Russes contre les Turcs rendent vain l'héroïsme des patriotes, et le premier démembrement de la Pologne est décidé. Ce démembrement eut lieu en 1772 : la Galicie orientale fut donnée à l'Autriche ; toutes les anciennes conquêtes des Lithuaniens sur les Russes (Russie Blanche, Russie Noire, Livonie polonaise) furent attribuées à la Russie à titre de restitution ; la Prusse royale et ses annexes devinrent le lot de la maison de Brandebourg. Ce qui restait porta encore le titre de roy. de Pologne, mais ne fut plus de fait qu'une province russe. En 1790, pendant la guerre des Suédois et des Turcs contre la Russie, les patriotes polonais opérèrent une révolution : ils promulguèrent en 1791 une constitution sage, qui abolissait l'absurde veto et fortifiait la royauté ; mais la Russie suscita contre eux la confédération de Targowice (1792), composée de mécontents polonais, qui prirent les armes au nom de l'ancienne constitution. A la faveur de ces dissensions, un 2e partage eut lieu, en 1793, entre la Russie et la Prusse : la Russie, qui eut la plus forte part, y gagna les voïvodies de Kiev, Brassav, Podolie, Volhynie, Novogrodek et Minsk. Un nouvel effort des Polonais en 1794 amena une 3e lutte plus inégale encore, dans laquelle Kosciusko fit vainement des prodiges de valeur, et un 3e et dernier partage s'effectua en 1795. L'Autriche y eut part aussi bien que la Russie et la Prusse : la Russie cette fois s'incorpora toute la Lithuanie. La Pologne resta ainsi anéantie pendant douze ans. Après sa première campagne de Prusse (1807), Napoléon, par le traité de Tilsitt, fit de toute la Prusse polonaise et de plusieurs autres provinces de l'ancienne Pologne, le Grand-duché de Varsovie (V. ce mot), qui comprenait environ les deux cinquièmes de l'ancien royaume de Pologne, et il le donna au roi de Saxe, Frédéric-Auguste, petit-fils d'Auguste II, qui déjà avait été élu roi par les patriotes de 1790, mais n'avait point accepté. Depuis cette époque, les Polonais, espérant toujours le rétablissement de leur nationalité, se montrèrent dévoués à Napoléon et leurs soldats combattirent constamment dans les rangs de l'armée française, où ils formaient un corps d'élite (V. DOMBROWSKI, Jos. PONIATOWSKI). Quand Napoléon fut tombé, le congrès de Vienne (1815) coupa en deux le Grand-duché de Varsovie : la partie occidentale, comprenant Dantzick, Thorn, Culm, Posen, etc., fut rendue à la Prusse, qui en fit le Grand-duché de Posen; la partie orientale, de beaucoup la plus forte, fut livrée à la Russie, qui en a formé une annexe de son empire sous le nom de Royaume de Pologne. Cracovie seule fut laissée en dehors de ce nouveau partage et forma une république indépendante ; mais l'Autriche s'en empara en 1846 et l'incorpora à la Galicie.

Le nouveau Royaume de Pologne a pour bornes à l'E. les prov. lithuaniennes de la Russie occid., au N. la prov. prussienne de Prusse, à l'O. la Silésie (aussi à la Prusse), au S. la Galicie. Il s'étend de 35° à 42° long. E., de 50° à 55° lat. N.: 580 kil. du N. au S., sur 432 ; 124 000 kil. carr. ; 4 200 000 hab.;