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les marais y sont également fort nombreux. Le climat est très-variable, sec dans la partie montueuse, humide et malsain dans les plaines et sur les bords du Danube. Les montagnes renferment des mines d’or, de fer, de cuivre, de plomb ; du mercure natif et du cinabre, de l’antimoine, des marbres, du porphyre, de l’opale, du soufre et du sel gemme ; on y voit aussi plusieurs sources minérales. Le sol est très-fertile : il produit en grande abondance le blé et toutes sortes de grains, des fruits, des légumes, un tabac très-estimé et des vins très-recherchés (notamment ceux de Tokay, de Bude, d’Œdenbourg, d’Erlau, de Kust, de St-George, de Syrmie) : la facilité de la vie justifie ce dicton national : Extra Hungariam, non est vita ; si est vita, non est ita. Les pâturages de la Hongrie nourrissent des chevaux réputés infatigables, beaucoup d’ânes et de mulets, ainsi qu’une immense quantité de bétail ; on y élève aussi beaucoup d’abeilles. L’industrie est peu active, et la plupart des manufactures sont occupées par des ouvriers allemands ; on trouve cependant parmi les Hongrois des tanneurs, des peaussiers, des cordonniers, des fourreurs, des ouvriers en dentelle. Le commerce est presque exclusivement entre les mains des Allemands, des Grecs et des Juifs. — Les Hongrois sont issus de différentes races parmi lesquelles dominent les familles oïgoure, tchoude, finnoise ou hunnique, et ouralienne. Le gouvernement est une monarchie, tempérée par l’aristocratie. Avant 1850, le pouvoir législatif résidait dans une diète, qui avait le droit de voter l’impôt. Elle était composée de deux chambres, la Chambre haute ou des magnats, où siégeaient les archevêques et évêques, les princes, comtes et barons, et les gouverneurs des comitats ; la Chambre basse, composée des abbés, des députés des comitats, de ceux des chapitres et de ceux des villes royales libres. Elle se réunissait tous les 3 ans à Bude ou à Presbourg. Le pouvoir exécutif était exercé au nom de l’empereur d’Autriche par un comte palatin, assisté d’un conseil. L’administration des comitats était indépendante de la couronne ; tous étaient régis par leurs lois et leurs coutumes particulières ; ils élisaient eux-mêmes leurs gouverneurs. La noblesse, qui se compose des magnats et du clergé, jouit d’immenses privilèges ; les bourgeois des villes ont aussi de grandes immunités ; mais les paysans sont écrasés de corvées et traités presque comme des esclaves. La religion catholique est la religion de l’État et de la majorité des Hongrois. Cependant on compte aussi beaucoup de Grecs-unis, qui ont pour chefs les évêques d’Unghvar et de Gross-Wardein, suffragants de l’archevêque de Gran ; et de Grecs schismatiques, reconnaissant le patriarche de Carlowitz. Les Luthériens sont assez nombreux dans le nord ; les Calvinistes, au centre. On trouve encore des Sociniens, des Anabaptistes, des Juifs. L’instruction publique, presque nulle au commencement du XIXe siècle, est auj. donnée par les universités de Bude et de Pesth, par les écoles de Bude, Pesth, Presbourg, Debreczin, Zombor, Kaschau, Kronstadt, etc. La Hongrie possède en outre des observatoires à Bude et à Carlsbourg, une académie des sciences à Presbourg, une école de chirurgie à Pesth, des écoles militaires à Pesth et à Waitzen, une école des mines à Schemnitz, et plusieurs musées, parmi lesquels on remarque celui de Pesth. L’idiome qu’on parle en Hongrie se ressent de la diversité des éléments qui ont formé ce peuple : le latin est la langue qui prédomine, il est la langue savante et écrite ; la langue parlée est le madgyar, qui a depuis peu été admis dans les actes officiels.

Histoire. Du temps des Romains, le pays appelé auj. Hongrie formait la Dacie occidentale, la Pannonie septentrionale et l’extrémité S. E. de la Germanie, habitée par les Quades. Au IIIe siècle, les Goths occupèrent toute cette contrée ; ils en furent chassés en 376 par les Huns (dont le nom joint à celui d’Avares forma, dit-on, celui de Hungarie, d’où par abréviation, Hongrie). Après la mort d’Attila, roi des Huns (453), les Ostrogoths, les Gépides et les Lombards se disputèrent le territoire de la Hongrie. Les Avares finirent par s’en rendre maîtres au VIIe siècle ; mais ils eurent à se défendre contre les incursions des Slaves et des Bulgares. Charlemagne ayant détruit la puissance des Avares (799), les Madgyars, peuple d’origine finnoise, qui au VIIe siècle était venu s’établir entre le Don et le Dniepr, et qui avait été expulsé de son premier séjour par les Petchenègues, envahit la Hongrie en 889, sous la conduite d’Almus. Arpad, fils d’Almus, s’allia avec les empereurs d’Allemagne, soumit la plus grande partie des tribus qui occupaient alors la Hongrie, organisa tout le pays et prit le titre de duc de Hongrie. Le Christianisme pénétra en Hongrie dans le siècle suivant, sous le duc Geysa (972-997). Son fils Étienne I le Saint acheva la conversion des Hongrois : en récompense, il reçut du pape Silvestre II le titre de roi (1000), avec le don d’une couronne qui est restée célèbre dans l’histoire du pays. Ce prince soumit complètement les Slaves et les Bulgares, et la Hongrie lui dut la plupart de ses institutions. Après sa mort (1038), les Hongrois furent en proie à de violentes dissensions jusqu’au règne de Ladislas I (1077), qui sut ramener la concorde parmi ses peuples ; il conquit la Croatie et la Slavonie, auxquelles Coloman son successeur ajouta la Dalmatie. Bela III, qui avait été élevé à Constantinople, introduisit dans sa cour et parmi les Madgyars la civilisation et les mœurs de l’empire grec. Il épousa Marguerite, comtesse du Vexin, sœur de Philippe-Auguste, roi de France. C’est lui qui établit la division de la Hongrie en comitats. André II conduisit en Terre-Sainte la 5e croisade : il laissa par sa faiblesse croître les privilèges des nobles et publia en leur faveur la Grande Charte (1222). Sous Béla IV, son fils, les Mongols vinrent ravager la Hongrie (1241). Après lui le pouvoir royal, affaibli par les discordes et par les guerres étrangères, fut réduit au plus déplorable état, jusqu’au règne d’André III, en qui finit la dynastie des Arpades (1301). Les Hongrois élurent alors Wenceslas de Bohême, et, après son abdication, Othon de Bavière, qui abdiqua bientôt lui-même (1307). Le pape Boniface VIII leur imposa Charles-Robert, dit Charobert, comte d’Anjou, arrière-petit-fils d’Étienne V par les femmes, et qui fut reconnu roi en 1308. Sous son règne la Hongrie s’éleva à un haut degré de splendeur : elle comprenait, outre la Hongrie propre, la Dalmatie, la Croatie, la Bosnie, la Servie, la Valachie, la Transylvanie, la Moldavie et la Bulgarie. Louis I, son fils, y ajouta la Russie rouge et porta la couronne de Pologne (1370). Marie, fille de Louis, fut après lui déclarée roi (1382), et associa au trône son époux Sigismond, fils de l’emp. Charles IV et électeur de Brandebourg (1386). Leur règne est troublé par les révoltes des magnats, l’hérésie de Jean Huss et les invasions des Ottomans, qui remportent les vict. de Nicopolis (1396) et de Semendria (1412). Bientôt paraît Jean Hunyade, régent du royaume pendant la minorité de Ladislas V : il bat partout les Turcs, et son fils Matthias Corvin est élu roi après la mort de Ladislas V (1458). Matthias joignit les talents d’un souverain à l’habileté d’un grand capitaine ; il assura la tranquillité publique, et favorisa la culture des lettres, en fondant une université à Presbourg et une bibliothèque à Bude. Wladislas II, roi de Bohême, élu après Matthias (1490), et Louis II, son successeur, ne purent arrêter les Turcs : ce dernier fut tué à la bataille de Mohacs (1526). Ferdinand d’Autriche et Jean Zapoly se disputèrent alors la possession de la Hongrie ; ce dernier finit par être vaincu. Néanmoins le pays ne reconnut la domination autrichienne qu’en 1570, sous Maximilien II, et sous la condition de conserver une existence distincte ; ce ne fut même qu’en 1687, que la couronne de Hongrie fut déclarée héréditaire dans la maison d’Autriche. Les empereurs n’eurent pas moins à combattre les révoltes successives de Béthlem-Gabor, de Tékéli et des Ragotsky. Pen-