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bientôt suivi de la paix de Vienne (14 oct.) ; mais, au lieu d’annuler la monarchie autrichienne (en la divisant en plusieurs petits États), il se contente de lui prendre les provinces illyriennes, et, croyant se l’attacher par un mariage, il se sépare par le divorce d’une femme chérie de la nation pour épouser une archiduchesse d’Autriche, Marie-Louise. Dès ce moment, Fouché, Bernadotte et plusieurs autres tendent à s’isoler de lui ; à la même époque, le pape Pie VII, qu’il a dépouillé de ses États, l’excommunie, et les violences dont ce pontife devient l’objet ne font que susciter de nouvelles difficultés ; enfin le système continental ruine le commerce et produit un malaise universel. Malgré cet état de choses, Napoléon ne craint pas de mécontenter ses plus sûrs alliés par de continuels envahissements, force son propre frère Louis, roi de Hollande, à abdiquer pour n’être pas le spoliateur de son peuple, et finit par s’engager dans une guerre formidable contre la Russie, sans même s’être assuré l’appui de la Turquie et de la Suède. À la tête de 450 000 hommes, la plus belle armée qui ait jamais été, il passe le Niémen, s’empare de Vilna, Vitebsk, Smolensk, poursuivant l’ennemi sans l’atteindre ; il rencontre enfin Koutousov à Borodino, et, resté maître du terrain après une lutte opiniâtre, entre dans Moscou (14 sept. 1812) ; mais les Russes, en quittant cette ville, l’avaient incendiée (V. ROSTOPCHIN). Au bout d’un mois et plus passé à attendre de St-Pétersbourg des ouvertures de paix, le froid oblige Napoléon de battre en retraite. Harcelée par des troupes innombrables, privée de tout, l’armée française reste presque tout entière ensevelie dans les neiges, ou périt dans les eaux de la Bérésina : tout le génie de son chef n’en peut sauver que des débris. Pendant ce temps, la conspiration de Malet à Paris révélait de graves dangers à l’intérieur : Napoléon quitta brusquement son armée pour revenir en France. En un clin d’œil et comme par enchantement, il s’y créa de nouvelles ressources ; il ouvrit la campagne d’Allemagne par de beaux succès, fut vainqueur à Lutzen, à Bautzen, à Wurschen ; mais la Prusse, alliée douteuse en 1812, était avec les Russes en 1813 ; la Suède, qui avait porté au trône Bernadotte, imita cet exemple ; l’Autriche elle-même, après l’inutile congrès de Prague, prit parti contre Napoléon, et, malgré la victoire de Dresde, cet exemple fut, après les échecs de Vandamme à Kulm, de Ney à Dennevitz, suivi par la Bavière, le Wurtemberg et les Saxons, que leur vieux roi essaya en vain de retenir dans l’alliance française. La désastreuse bataille de Leipsick (18 et 19 oct.), dite Bataille des Nations, refoula Napoléon sur le territoire de la France, qui fut partout envahi. Dans une dernière et admirable campagne, l’Empereur tint encore pour quelque temps la fortune en suspens : de brillants succès à St-Dizier, à Brienne, amenèrent le congrès de Châtillon ; mais il rejeta les propositions des alliés qui voulaient réduire la France aux limites de 1792. Forcé de continuer la lutte, il gagna encore les victoires de Champaubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamp, de Montereau, de Méry ; il voulait tourner et envelopper les ennemis pris entre la capitale et lui ; mais, Paris ayant ouvert ses portes après deux jours de combat, et Marmont ayant donné le signal de la défection, le Sénat proclama la déchéance de Napoléon et les vainqueurs déclarèrent qu’ils rétablissaient les Bourbons (31 mars 1814). Napoléon abdiqua à Fontainebleau (11 avril) ; après avoir essayé en vain de mettre fin à sa vie par le poison, il fit à sa garde les adieux les plus touchants (20 avril), et se rendit, avec une troupe dévouée, à l’île d’Elbe, qui lui avait été donnée en souveraineté. En s’y rendant, il eut à courir quelques dangers pour sa vie au milieu des populations fanatisées du midi. Il n’y resta que quelques mois : les fautes de la Restauration faisaient souhaiter son retour ; le 1er mars 1815 il reparut en France et en vingt jours il parvint de Cannes à Paris sans trouver de résistance. Mais la coalition qui l’avait détrôné se renoua aussitôt. Quoique malsecondé par le parti républicain, à qui il avait cependant fait de larges concessions dans son Acte additionnel aux constitutions de l’Empire, Napoléon, se voyant entouré de troupes braves et enthousiasmées, prit l’offensive : il battit les Prussiens à Ligny le 16 juin ; mais, trahi par Bourmont, privé par un fatal malentendu des renforts que devait lui amener Grouchy, il fut vaincu le 18 par Wellington et Blücher à Waterloo en Belgique. Après ce désastre il rentra en France, et s’enferma à l’Élysée-Bourbon, où il abdiqua en faveur de son fils, qui devait prendre le nom de Napoléon II (22 juin 1815) ; ce nouveau règne avait duré Cent jours. Napoléon se rendit alors de lui-même au port de Rochefort sur le navire anglais le Bellérophon, comptant que l’Angleterre lui accorderait une généreuse hospitalité. Mais le cabinet anglais, abusant de sa confiance, le déclara prisonnier, et se fit charger par les Alliés de le transporter à Ste-Hélène. Napoléon arriva dans cette île, accompagné d’un petit nombre de fidèles, Bertrand, Montholon, Gourgaud, Las-Cases. Retiré dans la modeste résidence de Longwood, il s’occupa de rédiger ses Mémoires et ses Campagnes ; mais pendant les cinq années qu’il y vécut encore, il fut sans cesse abreuvé de dégoûts et d’humiliations par le gouverneur anglais, sir Hudson-Lowe. Il mourut le 5 mai 1821, dans sa 52e année, et fut enterré à Ste-Hélène. Ses restes, ramenés en France en 1840, reposent maintenant sous le dôme des Invalides, au milieu de ses compagnons de victoire. — Napoléon est compté, avec Alexandre, César et Charlemagne, au nombre des plus grands hommes que la terre ait produits : il posséda au plus haut degré le génie du guerrier et celui de l’administrateur ; il mit un terme à l’anarchie, reconstitua la société, releva les autels, réorganisa les écoles, donna le Code, plaça la France à la tête des nations, et fonda un empire au moins égal à celui de Charlemagne (en 1812 on y comptait 130 départements français, indépendamment de 24 dép. du roy. d’Italie et de 7 provinces illyriennes) ; mais on lui reproche une ambition démesurée et un trop vif amour pour la guerre, qui entraînèrent le pays dans des maux incalculables ; en outre, trop plein du souvenir des excès de la Révolution, il étouffa la liberté politique et gouverna, despotiquement ; enfin, il ne craignit pas en plusieurs circonstances, pour assurer l’exécution de ses projets d’avoir recours aux mesures les plus arbitraires et même les plus violentes : l’enlèvement et l’exécution du duc d’Enghien, la détention et la spoliation des princes de la maison royale d’Espagne, les mauvais traitements exercés contre le pape Pie VII, sont autant de taches pour sa mémoire ; toutefois on doit dire, pour ce qui concerne la mort du duc d’Enghien, que l’exécution se fit avant qu’on eût attendu ses derniers ordres. — Napoléon avait écrit dans sa jeunesse quelques opuscules : Lettre à Matteo Buttafuoco, le Souper de Beaucaire, etc. Ses Proclamations et Bulletins, en grande partie rédigés et dictés par lui, figurent, pour le style comme pour le fond, parmi les documents les plus remarquables de notre histoire. On avait publié de 1818 à 20 sa Correspondance inédite, officielle et confidentielle, en 7 vol. in-8 ; cette publication, fort incomplète, a été recommencée par ordre de Napoléon III sous le titre de Correspondance de Napoléon I (1858 et ann. suiv.) Les Mémoires publiés par Las-Cases sous le nom de Mémorial de Ste-Hélène et qu’on donne comme dictés par Napoléon, ont été arrangés et souvent interpolés ; les Mémoires publiés par Montholon, Gourgaud, Bertrand, et par le valet de chambre Marchand, ont été réellement dictés par l’Empereur et méritent toute confiance. Il a été publié un grand nombre d’Histoires de Napoléon, notamment par MM. Arnault, Norvins, Élias Regnault, Laurent (de l’Ardèche) ; l’ouvrage le plus complet et le plus authentique est l’Histoire du Consulat et de l’Empire de M. Thiers, 20 vol. in-8, 1845-62.

NAPOLÉON II (François Joseph), fils de l’empereur Napoléon et de l’impératrice Marie-Louise d’Autriche né