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Russes et des Monténégrins, ce qui lui valut le titre de duc de Raguse ; administra deux ans la Dalmatie (1808) ; rejoignit la grande armée la veille de la bataille de Wagram, poursuivit l’ennemi après la victoire, le battit à Znaïm (10 juillet 1809), ce qui contraignit l’archiduc Charles à faire des propositions de paix, et reçut en récompense le bâton de maréchal sur le champ de bataille. Appelé en 1811 au commandement de l’armée de Portugal, en remplacement de Masséna, il opéra heureusement sa jonction avec Soult, fit lever le siége de Badajoz, et réussit pendant quinze mois à tenir Wellington en échec ; mais, atteint d’un coup de canon au début de la funeste bataille des Arapiles (près de Salamanque), il se vit arracher la victoire (22 juillet 1812). Il reparut peu de mois après en Allemagne, quoique à peine guéri de ses blessures ; combattit, en 1813, à la tête du 6e corps à Lutzen, à Bautzen, à Wurschen, à Dresde, à Leipsick, où il protégea la retraite et fut blessé de nouveau. Marmont joua un des rôles les plus importants pendant la désastreuse campagne de France, en 1814 : il défendit longtemps les bords du Rhin, se trouva au combat de Brienne, couvrit la retraite de l’armée à Rosnay (Aube), et rejeta l’ennemi au delà de la Voire ; détruisit à Champaubert le corps du général russe Alsuvief et fit ce général prisonnier ; surprit dans Étoges et enleva la division du général Ouroussof, chassa Blücher de Meaux, le battit au Gué-à-Trem, près de cette ville, et l’éloigna de Paris ; puis marcha en toute hâte à la défense de la capitale, menacée par une autre armée ; il livra le 30 mars, avec des troupes décimées et exténuées, une bataille désespérée sur les hauteurs de Chaumont et de Belleville et poursuivit le combat avec un courage héroïque pendant plusieurs heures, même après avoir reçu du roi Joseph l’autorisation de se retirer. Quand toute défense fut devenue impossible, il demanda une suspension d’armes, évacua Paris et se retira en bon ordre avec son corps à Essonne, près de Fontainebleau. Là, reconnaissant l’impossibilité de lutter plus longtemps, il traita avec le gouvernement provisoire et avec les alliés : par ce traité, qu’il conclut sans en avoir reçu mission, il rendit inévitable l’abdication de l’Empereur et se fit accuser de défection ou même de trahison ; il tenta cependant, mais en vain, de faire reconnaître le roi de Rome et la régence. Il fut comblé de faveurs par Louis XVIII, qui le nomma pair de France et major général de la garde royale. Chargé en juillet 1830 de réprimer dans Paris le soulèvement excité par les ordonnances de Charles X, il obéit, quoique désapprouvant les mesures pour lesquelles il lui fallait combattre. Après la chute du roi, il accompagna ce prince jusqu’à Cherbourg à la tête d’un détachement de la garde royale. Privé par le nouveau gouvernement de son grade et de ses traitements, il se retira en Autriche, mais sans prendre aucune part aux intrigues politiques, puis visita la Hongrie, la Russie méridionale, la Turquie, et alla terminer ses jours à Venise. Ses restes furent rapportés à Châtillon, où de grands honneurs lui furent rendus par la population. — Marmont est compté parmi nos plus braves et nos plus habiles généraux, et, s’il fût mort après la bataille de Paris, sa gloire serait sans tache ; mais les événements de 1814 et de 1830 ont fait oublier ses services, et son nom est resté voué à la haine publique. Cependant il a cherché, dans plusieurs écrits, à justifier sa conduite, et il a protesté en toute occasion de son amour pour son pays ; dans son exil, il avait pris pour devise : Patriæ totus et ubique. Savant distingué, Marmont était depuis 1816 membre libre de l’Académie des sciences. Il s’est aussi beaucoup occupé d’industrie ; il avait créé à Châtillon des forges importantes : les habitants ont, par reconnaissance, donné son nom à une rue et à une place de leur ville. — Marmont a publié une relation de ses voyages, aussi instructive que bien écrite (Voyage en Hongrie, en Russie, etc., Paris, 1837, 4 vol. in-8) ; on lui doit en outre l’Esprit des institutions militaires (1845), ouvrage estimé. Il a laissé des Mémoires, qui ont été publiés de 1856 à 1857, en 9 v. in-8 : loin de le réhabiliter, ces Mémoires donnent une idée peu favorable de son caractère : ils ont soulevé de nombreuses et de vives réclamations. Laurent (de l’Ardèche) en a publié une Réfutation, 1853.

MARMONTEL (J. François), littérateur, né en 1723 à Bort, dans le Limousin, d’une famille pauvre, m. en 1799, était destiné à l’état ecclésiastique, mais il préféra se consacrer aux lettres. Il obtint d’abord quelques succès à l’Académie des Jeux floraux, vint en 1745 à Paris, où il se lia avec Voltaire et les principaux écrivains de l’époque ; remporta plusieurs prix à l’Académie française, et fit représenter quelques tragédies, Denys le tyran, 1748 ; Aristomène, 1749 ; Cléopâtre, 1750 ; les Héraclides, 1752, qui ne s’élèvent pas au-dessus du médiocre. Il fournissait en même temps à l’Encyclopédie des articles de littérature, et au Mercure des Contes moraux qui donnèrent une très-grande vogue à ce journal. Protégé par Mme de Pompadour, il fut nommé en 1753 secrétaire des bâtiments, et obtint en 1758 le brevet du Mercure, ce qui lui procura un revenu considérable ; mais deux ans après il fut privé de ce brevet pour avoir offensé un courtisan, et fui même un moment enfermé à la Bastille. Il fit paraître enl763 une Poétique française, en 1766 une traduction de la Pharsale de Lucain, et en 1767 Bélisaire, roman philosophique, qui attira sur lui les condamnations de la Sorbonne. Il n’en fut pas moins nommé en 1771 historiographe de France. Vers la même époque il donna plusieurs opéras-comiques, composés avec Grétry, qui eurent beaucoup de succès : le Huron, 1768 ; Sylvain, 1770 ; l’Ami de la maison, 1771 ; Zémire et Azor, 1771 ; la Fausse Magie, 1775. S’élevant ensuite à la tragédie lyrique, il refondit, avec Piccini, plusieurs des opéras de Quinault, et donna lui-même Didon, 1783, et Pénélope, 1785. On a encore de Marmontel les Incas, 1777, poëme en prose où il expose les effets du fanatisme ; une Histoire de la Régence du duc d’Orléans, 1788 ; de Nouveaux Contes moraux, 1789-92 ; Leçons d’un père à ses enfants : c’est un cours d’études destiné à l’éducation de ses fils, qui comprend des Traités de Langue française, de Logique, de Métaphysique et de Morale. Pendant les troubles de la Révolution il s’éloigna de Paris ; élu en 1797 député au Conseil des Anciens, il en fut exclu comme réactionnaire au 18 fructidor, et mourut peu après. Marmontel ne fut supérieur en aucun genre, mais il fut un écrivain pur, agréable, élégant. Ses Contes moraux offrent un vif intérêt et ils eurent une grands vogue ; mais souvent ils sont peu dignes de leur titre. Cet écrivain avait été admis à l’Académie française en 1763 ; il devint en 1784 secrétaire perpétuel de cette compagnie. Marmontel a laissé des Mémoires sur sa vie, composés pour l’instruction de ses enfants. Il a publié lui-même la collection de ses Œuvres, en 17 v. in-8, 1786. On y trouve, sous le titre d’Éléments de littérature, les articles qu’il avait fournis à l’Encyclopédie. Une édition plus complète de ses Œuvres a paru chez Verdière, 1818, 18 v. in-8. St-Surin a donné ses Œuvres choisies, 1824, 10 vol. in-8.

MARMORICE, Physcus, v. de Turquie d’Asie (Anatolie), sur la Méditerranée, en face de Rhodes et à 120 k. S. E. de Ghuzel-Hissar. Port sûr. Château fort.

MARMOUSETS, Ce nom, qui originairement était donné aux figures grotesques sculptées sur le portail et les murs des églises, fut appliqué ironiquement par les nobles aux ministres roturiers que prit Charles VI, en 1389, après avoir disgracié ses oncles. — Sous Louis XV, on nomma Conjuration des Marmousets une intrigue ourdie en 1730 par les ducs de Gèvres et d’Épernon contre le cardinal Fleury.

MARMOUTIER, Martini monasterium, abbaye de Bénédictins, à 2 kil. de Tours et de l’autre côté de la Loire, fondée en 371, par S. Martin, alors évêque de Tours, fut longtemps si florissante qu’on nommait son supérieur l’abbé des abbés. Les moines s’y occupaient