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JEANNE, dite la Folle, reine de Castille, fille de Ferdinand le Catholique et d'Isabelle, épousa en 1496 Philippe le Beau, archiduc d'Autriche, et fut mère de Charles-Quint. Se voyant négligée par son mari, qu'elle aimait tendrement, elle tomba dans une mélancolie sombre qui dégénéra en folie. En 1504 elle succéda, conjointement avec Philippe, à Isabelle sa mère, comme reine de Castille. Son mari songeait à la faire interdire pour gouverner seul, quand il mourut, en 1606. Ferdinand, le père de Jeanne, fut déclaré régent pour son petit-fils Charles-Quint, mais sous cette condition que Jeanne, si elle recouvrait la raison, aurait seule l'autorité. Quand Ferdinand mourut (1516), Charles ne fut délaré roi que sous la même condition. Jeanne ne mourut qu'en 1555, dans sa 75e année.

JEANNE Ire, reine de Naples, succéda en 1343 à Robert d'Anjou, son aïeul, et épousa André de Hongrie, son cousin. Deux ans après, ce prince périt assassiné, et Jeanne donna sa main à Louis de Tarante, son amant, auteur de l'assassinat. Attaquée en 1347 par Louis, roi de Hongrie, frère et vengeur d'André, elle s'enfuit dans la Provence, qui lui appartenait; elle ne put revenir dans ses États d'Italie que quand le pape, au jugement de qui on était convenu de s'en remettre, l'eut déclarée innocente du meurtre de son premier époux. Après la mort de Louis de Tarente (1362), elle se remaria avec Jacques III, roi de Majorque. Comme elle n'eut d'enfant d'aucune de ses unions. elle adopta Charles de Duras, son cousin. Celui-ci, se voyant frustré par un nouveau mariage, se joignit aux ennemis de Jeanne pour lui faire la guerre, et, s'étant emparé de sa personne, la fit étouffer (1382), à 67 ans. Cette princesse était d'une beauté remarquable; elle eut une cour brillante et voluptueuse, et attira près d'elle des gens de lettres, parmi lesquels on remarque Boccace ; mais son administration fut déplorable. Il existe une tragédie de La Harpe intitulée Jeanne de Naples.

JEANNE II, reine de Naples, fille dé Charles de Duras, succéda à Ladislas, son frère, en 1414. Elle se livra à toutes sortes de débauches et combla d'honneurs Alopo et plusieurs autres de ses favoris. S'étant ensuite mariée à Jacques, comte de la Marche, celui-ci fit décapiter Alopo et tous les complices des désordres de la reine, et la retint elle-même prisonnière. Ses sujets la délivrèrent en 1416; Jacques, devenu prisonnier à son tour, s'enfuit en France (1419). Jeanne prit alors un nouveau favori, Caraccioli, qu'elle fit mettre à mort quelques années après. Pour se faire un protecteur, elle adopta Alphonse V d'Aragon. Celui-ci n'eut pas la patience d'attendre l'héritage de Jeanne ; il prit les armes contre elle. La reine adopta alors, à sa place, Louis d'Anjou (Louis III), qui mourut en 1434, puis René, frère de Louis. Elle mourut en 1435, et sa succession, longtemps restée indécise par suite de ses diverses adoptions, fut enfin dévolue à Alphonse d'Aragon.

JEANNE D'ARC ou DARC, surnommée la Pucelle d'Orléans, héroïne célèbre, née en 1409 à Domrémy, près de Vaucouleurs, était fille d'un simple paysan appelé Jacques Darc, et fut elle-même bergère jusqu'à l'âge de 18 ans. À cette époque de sa vie, Jeanne, touchée des malheurs de la France, que désolaient les factions intérieures et que les armées anglaises achevaient de conquérir, eut des visions surnaturelles qui lui imposaient la mission de sauver sa patrie : elle partit de son hameau, et vint à travers mille périls trouver Charles VII dans sa petite cour de Chinon, en Touraine. Introduite auprès du roi, après bien des refus, elle réussit à le convaincre de sa mission divine. Cependant, on ne lui confia d'abord qu'en tremblant le commandement de quelques soldats. S'étant mise à la tête de cette petite troupe, elle réussit en huit jours à délivrer la ville d'Orléans, qui était assiégée par une nombreuse armée anglaise, et qui était la seule place importante qui restât au roi de France (8 mai 1429). Ayant ainsi rendu la confiance à l'armée et excité son enthousiasme, Jeanne conduisit Charles à Reims, au travers d'un pays occupé par les ennemis, prit plusieurs places sur son passage, vainquit Talbot à Patay, et fit enfin sacrer le roi (17 juillet 1429). Elle voulut alors se retirer, disant que sa mission était remplie; mais elle fut, malgré sa résistance, retenue par les prières du roi. En 1430, elle se jeta dans Compiègne qu'assiégeaient les Bourguignons et les Anglais, et fut faite prisonnière par les Bourguignons, le 24 mai, dans une sortie. Les Anglais se la firent livrer et la firent condamner comme sorcière par un tribunal inique, que présidait Cauchon, évêque de Bauvais, créature du roi d'Angleterre Henri VI; elle fut brûlée vive à Rouen (30 mai 1431). Jeanne n'était pas moins remarquable par ses vertus, par sa piété que par son courage ; pendant son procès, elle montra un sang-froid et une intelligence extraordinaires. Charles VII fit réviser son procès et le pape Calixte III réhabilita sa mémoire (1456). Sa famille fut anoblie, et le village qui lui avait donné naissance fut exempt de toutes tailles. Orléans, que Jeanne avait miraculeusement délivrée, institua en son honneur une procession solennelle. Une statue équestre lui a été érigée dans cette ville (1855). Un monument a été élevé aussi à la Pucelle sur l'emplacement de sa maison à Domrémy (1820). Jeanne d'Arc a été l'objet d'un grand nombre d'écrits. Nous citerons : l’Histoire de Jeanne d'Arc, par Lebrun des Charmettes (1817), et, parmi les travaux plus récents, ceux de MM. Michelet, Vallet de Viriville, A. Desjardins, Wallon, 1860. M. J. Quicherat a publié les Pièces authentiques du procès de Jeanne d'Arc, Paris, 1857-50, 6 v. in-8. Jeanne a fourni à Schiller et à Soumet le sujet de belles tragédies ; à Casimir Delavigne celui d'une élégie touchante; celui de deux poèmes à l'Anglais Southey et au Français Ozaneaux. On connaît la malheureuse tentative de poème épique faite par Chapelain (V. ce nom). Voltaire a souillé son talent en flétrissant, dans un poème burlesque et immoral, la mémoire de cette femme héroïque.

JEANNE HACHETTE. V. HACHETTE.

JEANNE (la papesse). Quelques chroniqueurs ont prétendu qu'après le pape Léon IV (855), et avant l'avénement de Benoît III, le siège pontifical avait été occupé pendant 2 ans par une femme du nom de Jeanne, native de Mayence, qui serait entrée dans l'Église sous le nom de Jean d'Angleterre, et aurait été élue pape sous le nom de Jean VIII; mais que cette femme, étant devenue enceinte, aurait accouché au milieu d'une procession, et révélé ainsi l'imposture. C'est là une fable absurde : car il n'y eut aucun intervalle entre Léon IV et Benoît III son successeur. Pour expliquer l'origine de cette fable, on a dit que, le pape Jean VIII (872-882) ayant eu la faiblesse de consentir à reconnaître le patriarche Photius, on l'accusa de s'être conduit comme une femme, et qu'on le surnomma la papesse Jeanne.

JEANNIN (le président), homme d'État, né à Autun en 1540, était, dit-on, fils d'un tanneur. Il étudia le droit sous Cujas, s'éleva par son seul mérite, et devint sous Charles IX et Henri III conseiller, puis président au parlement de Bourgogne (1579). Consulté, à l'époque de la St-Barthélemy, par le gouverneur de la province, au sujet des ordres envoyés par Charles IX, il avait été d'avis de différer l'exécution et il sauva par là les Protestants. Il entra néanmoins dans le parti des Ligueurs et s'attacha au duc de Mayenne dont il tempéra souvent la fougue. Après l'avènement de Henri IV, il se rallia franchement à ce prince, fut nommé premier président au parlement de Paris, prit part aux négociations les plus importantes, et partagea avec Sully toute la confiance du roi. Il signa en 1609 le traité qui assurait l'indépendance des Provinces-Unies. Après la mort de Henri IV, Maria de Médicis le nomma surintendant des finances ; il conserva cette charge jusqu'à sa mort, en 1522. Il a laissé des Négo-