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teau de Vincennes. Il rentra en grâce dans la suite et fut nommé, à la mort de Louis XIII, chef du conseil de régence. Sa plus grande gloire, dit Voltaire, est d'avoir été le père du Grand Condé.

CONDÉ (Louis II, prince de), dit le Grand Condé, premier prince du sang, connu d'abord sous le nom de duc d'Enghien, né à Paris en 1621, de Henri II, prince de Condé, montra dans la carrière militaire un génie précoce. Nommé général en chef à l'âge de 22 ans (1643), il défit entièrement à Rocroy les Espagnols bien supérieurs en nombre et redoutables alors par leur infanterie. L'année suivante, il battit les Allemands à Fribourg; il gagna en 1645 contre Mercy la bataille de Nordlingen, et prit Dunkerque en 1646. Moins heureux en Catalogne, il ne put prendre Lérida; mais il remporta bientôt après en Artois, sur l'archiduc Léopold, la victoire de Lens, qui amena la paix avec l'Allemagne (1648). Pendant les troubles de la Fronde, Condé, qui avait d'abord défendu la cour, prit ensuite parti contre Mazarin. Il fut alors arrêté (1650) et subit une détention de treize mois. Aussitôt qu'il fut libre, il ne songea qu'à la vengeance; il leva des troupes, marcha sur Paris, et défit le maréchal d'Hocquincourt à Bléneau près de Gien; mais il fut battu lui-même par Turenne au faubourg St-Antoine (1652). Après cette défaite, il passa dans les rangs des Espagnols; mais sans y ramener la victoire. La paix des Pyrénées (1659) le rendit à sa patrie. La guerre s'étant rallumée entre la France et l'Espagne, Condé conquit la Franche-Comté en trois semaines (1668). Il prit aussi la part la plus glorieuse à la guerre de 1672 contre la Hollande, battit le prince d'Orange à Senef (1674), puis passa en Alsace pour défendre cette province contre Montecuculli après la mort de Turenne (1675). Il passa ses derniers jours dans une charmante retraite à Chantilly, cultivant les lettres et conversant avec Racine, Boileau et Molière. Il mourut en 1687. Ce général dut ses succès à son élan irrésistible et à d'heureuses inspirations, mais il ne ménageait pas le sang des soldats. Bossuet prononça sur son cercueil une oraison funèbre qui est restée un chef-d'œuvre du genre. De tous les ouvrages écrits sur ce prince, le plus intéressant est l’Histoire de Louis de Bourbon, par Desormeaux, Paris, 1766-68, 4v. in-12.

CONDÉ (Louis Henri, prince de), 1er ministre sous Louis XV, plus connu sous le nom de Duc de Bourbon. V. ce nom.

CONDÉ (Louis Joseph, prince de), fils de Louis Henri, duc de Bourbon, et 4e descendant du Grand Condé, né en 1736, servit avec distinction dans la guerre de Sept ans et contribua au gain de la bataille de Johannisberg (1763). Lors de la Révolution, il fut un des premiers à quitter la France, et forma dès 1789, sur les bords du Rhin, cette armée d'émigrés connue sous le nom d’armée de Condé. Après avoir fait en pure perte des prodiges de valeur à Wissembourg, à Haguenau, à Bentheim, le prince fut obligé de congédier son armée et se retira en 1800 en Angleterre. Il rentra en France à la Restauration et reçut de Louis XVIII les titres de grand maître de la maison du roi et de colonel général de l'infanterie. Il mourut à Chantilly en 1818, à 82 ans. C'est lui qui avait fait construire le Palais-Bourbon (auj. Corps-Législatif). — Il eut pour fils Louis H. Joseph de Bourbon, pr. de Condé, plus connu sous le nom de duc de Bourbon (V. BOURBON), et pour fils l'infortuné duc d'Enghien (V. ENGHIEN). La maison de Condé s'est éteinte avec ces deux derniers. Son histoire a été écrite par le duc d'Aumale (1862 et suiv.).

CONDILLAC (Étienne BONNOT de), abbé de Mureaux, célèbre philosophe, né en 1715 à Grenoble, d'une famille noble, mort en 1780, était neveu du grand prévôt de Lyon et frère de Mably. Il reçut les ordres, mais sans exercer de fonctions ecclésiastiques, préférant la carrière littéraire. Il se lia de bonne heure avec plusieurs des philosophes les plus éminents de l'époque, notamment avec Diderot, J. J. Rousseau et Duclos; étudia profondément les grands métaphysiciens modernes, surtout Locke; publia, à partir de 1746, plusieurs ouvrages de métaphysique aussi remarquables par la nouveauté des idées que par la clarté du style, qui attirèrent sur lui l'attention; fut choisi en 1757 pour être le précepteur de l'infant, duc de Parme; revint se fixer en France après avoir consciencieusement rempli sa tâche; fut admis à l'Académie française en 1768, et reçut en 1777 du gouvernement de Pologne l'honorable mission de rédiger une Logique classique pour la jeunesse du pays. Condillac est en France le chef de l'école dite sensualiste. Ses écrits, qui brillent surtout par la méthode et la clarté, firent une révolution dans la philosophie. Il s'était borné d'abord à suivre les pas de Locke, mais bientôt, marchant seul, il exposa des doctrines nouvelles dont les unes sont profondes et lumineuses, et dont les autres ne sont que paradoxales. Les principales sont : que toutes les idées viennent des sens; que les facultés de l'âme elles-mêmes ne sont comme les idées que des sensations transformées; que la seule bonne méthode est l'analyse, que les langues sont des méthodes analytiques, que le progrès de l'intelligence dépend de la perfection des langues, qu'une science n'est qu'une langue bien faite, que l'art d'écrire se réduit partout à suivre la liaison des idées. On a de lui : Essai sur l'origine des connaissances humaines, 1746; Traité des systèmes, 1749; Traité des sensations, 1754 (où il donne trop à l'hypothèse); Traité des animaux (contre Buffon), 1755; Cours d'études, rédigé pour le prince de Parme, 1775 (renfermant Grammaire, Art d'écrire, Art de raisonner, Art de penser, Histoire); le Commerce et le gouvernement, 1776; la Logique, et la Langue des calculs, posthumes. Ses œuvres complètes ont été publiées à Paris, 1798. 23 vol. in-8, et 1821-22, 16 vol. in-8 (par les soins de M. Théry), avec une notice sur sa vie et ses ouvrages. Son Cours d'études est à l’Index à Rome.

CONDIVICNUM. V. NAMNETES.

CONDOM, Condomium, ch.-l. d'arr. du Gers, sur la Baïse, à 40 kil. N. O. d'Auch; 7098 hab. Trib. de 1re inst. et de commerce, collége. Cuirs, bouchons de liège, blé, vins. Patrie de Blaise de Montluc, Scipion Dupleix, Franç. Sabbathier. Condom avait autrefois un évêché, dont Bossuet fut titulaire : cet évêché est aujourd'hui supprimé.

CONDOMOIS, anc. pays de Gascogne (Gers et Lot-et-Garonne), avait pour v. principales Condom et Nérac.

CONDOR (POULO), groupe d'îles au S. de la B.-Cochinchine, par 8° 40' lat. N., 104° 21' long. E. Découv, en 1687 par Dampier; occupées par les Français en 1860.

CONDORCET (M. J. Ant. Nic. CARITAT, marquis de), né en 1743, à Ribemont près de St-Quentin, d'une famille noble, originaire du Dauphiné, se fit dès sa 1re jeunesse un nom comme géomètre, fut reçu à l'Académie des sciences à 26 ans (1769), et devint peu après secrétaire perpétuer de cette compagnie. Il se lia avec les philosophes, surtout avec d'Alembert, Voltaire, Turgot, embrassa avec ardeur la cause de la Révolution et propagea par ses écrits les idées nouvelles. Nommé en 1791 à l'Assemblée législative, puis à la Convention, il vota avec les Girondins et fut, au 31 mai (1793), enveloppé dans leur ruine. Mis hors la loi, il fut recueilli pendant huit mois chez une amie; mais, craignant d'exposer sa bienfaitrice, il sortit de sa retraite; arrêté bientôt après et détenu au Bourg-la-Reine, il s'empoisonna dans sa prison (mars 1794). Comme philosophe, Condorcet s'est surtout distingué par son ardent amour pour l'humanité et par des idées hardies sur la perfectibilité indéfinie de l'espèce humaine. Ses principaux ouvrages sont : Essai d'analyse, 1768, où il fit faire de nouveaux pas au calcul intégral; Éloge des Académiciens (1666-99), 1773; Application de l'analyse aux décisions rendues à la pluralité des voix, 1785; Vie de