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D’être témoins d’un dieu qui venge son injure ! »

À ces mots, écartant les cyclopes troublés,
Il prit l’enfant divin par ses cheveux bouclés,
Et frémit, au dedans, d’une douleur amère,
À les voir doux et blonds, comme ceux de sa mère.

« Insensé ! » cria-t-il en le poussant plus fort,
« Tu n’es pas assez dieu pour affronter la mort !
Celui qui, d’un seul geste, ébranle l’empyrée,
Le fils prédestiné, sorti des flancs de Rhée,
Ne serait pas le roi de la terre et des cieux,
S’il n’avait de Saturne évité les grands yeux,
En cachant sa faiblesse au fond d’un noir repaire ;
Te crois-tu donc plus fort, issu d’un moindre père ?
Qu’il accoure à ta voix !… » ― L’enfant épouvanté
Sanglotait. ― « Qu’il arrive, à vingt chevaux porté !
Son empire, ici-bas, est fait de violences.
Il a les javelots, les carquois et les lances,
Les boucliers épais, les casques sans défauts,
Les chars de guerre armés de glaives et de faux,
Ses béliers dont la tête ouvre les forteresses,
Le bruit de ses clairons doux au cœur des déesses ;
Mais il ne pourrait pas, malgré tes cris d’effroi,