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Mais l’enfant, malgré lui, rentrant à petits pas,
Songeait à ce bruit sourd qu’on entendait là-bas,
Curieux et mêlant, dans son âme interdite,
L’audace de son père aux langueurs d’Aphrodite.

Impatient du joug où la peur le soumet,
Seul, furtif, une nuit que le faune dormait,
Il quitta l’antre obscur, et, sans un guide au monde,
S’en alla, tout petit, par la forêt profonde,
Si léger sous les bois et respirant si bas
Que les oiseaux couchés ne se réveillaient pas.
Son pied nu, son pied blanc, dans ses vives secousses,
Comme un éclair qui passe, éclatait sur les mousses,
Quand, pareil au nageur qui rame avec ses mains,
Le Dieu fendait le flot des halliers sans chemins.
Tantôt, sans s’arrêter, la lune qui voyage
D’un regard nonchalant sondait le noir feuillage ;
Tantôt, couvrant les pins de ses voiles plus lourds,
La nuit redescendait implacable, ― et toujours,
Comme un appel lointain, comme un rendez-vous sombre,
Le grand bruit inconnu retentissait dans l’ombre.
Mais déjà, des buissons s’échappant par milliers,
Les daims, les loups chenus, les renards familiers,
Et le lézard jaunâtre et la couleuvre bleue,