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les recevra. Affreuse perte d’un poète à qui aucun grand homme ne peut être substitué ! Ce mort est irremplaçable. Avec lui succombent certainement un sens singulier de l’amour, pesants sourires, fièvre et luxures, des tristesses de dieu en exil dont nous n’entendrons plus l’angélique chuchotement*

Il fut, par excellence, ce grand homme, un reclus. Il ne sortit jamais de cette chambre ingénue où je l’ai connu si humble, ascétique, badigeonnée par une chaux vive, sous l’éblouissement peint d’un papier à fleurs. Il y vécut perpétuellement. Il ne s’est point préoccupé de nous, peu lui importaient l’aube et le printemps.

Par le ton de ses romances, où nous cherchons son mémorial, ce grand homme récuse sa légende. Il ne fut point le vagabond de qui les actions suscitèrent l’effroi citadin. Ce n’est guère parmi les chroniques qu’il est convenable de retrouver la signification d’un destin douloureux, mais dans ses ariettes et ses rondes. Il exista solitairement, un peu, Vraiment, à la façon d’un cénobite. Il ignora tout de la rue et lorsqu’il y est descendu, ce fut pour l’ivresse et la fièvre. Ce poète est le plus intime qui ait chanté. Il n’a célébré que soi-même. De l’univers qui l’environne il ne retint rien sinon l’eau, la fleur essentielle de laquelle il avait besoin. A travers l’explicite et froide vitre de la fenêtre il considéra les sites larges. C’est le poète le plus sensible, le plus concentré et sentimental. Ni les colorations des sols, ni le choc des vents, l’eau creuse et acide, les coteaux que pampre un plan de houblon, rien d’extérieur ne l’a ému. Les riches odelettes