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de vie et un sépulcre assombrissant demeure la borne indubitable par quoi se limite toute carrière humaine. Voilà pourquoi la mort nous impressionne si fort. Son effroi prescrit notre horreur. Bien que nous tentions mille ruses pour la vaincre, ces précautions restent inutiles et la perte profonde de nos rois, de nos amantes et des roses du jardin, perpétuellement, sans restriction, nous éclaire sur notre infortune et sur le désastre imminent.

— Ah ! Clarisse, Clarisse, préparez le pain, dressez l’odorante table écumeuse de vins clairs ! — Regardez dans les feuilles filtrer le beau soleil. — Au bleu et bucolique petit puits suburbain, ne voulez-vous pas pencher l’urne, laver les linges frais, ce matin.

— Oui, détournons-nous de la Mort. Son approche terrifie la cité et la plaine. Son souffle est si triste, âpre et noir. — C’est pour échapper à son obsession que nous imaginons des apologues faux, le perfide jeu des tragédies, des mythes de l’âme. Mais occupons-nous des choses de la vie. Tandis que nous conjecturons sur des événements attendus, il serait plus gai, beau et légitime de tressaillir, sans réticence, à cause de l’œillet ou d’un fait du jour ! Il s’agit de rire, à présent, Clarisse. Il s’agit d’aller vers les champs jolis des jeunes roses parce que c’est là que sourit Dieu. Il s’agit de chanter et de boire sous l’azur ! Préoccupons-nous du pain et du vin. Voilà l’objet de notre être et puisqu’une destinée terrible, indestructible et inconnue nous prédispose à l’action, à l’exploit et au bon labeur, obéissons !

Car le présent seul existe : Tout identiquement s’y