Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/268

Cette page n’a pas encore été corrigée

séduction, la nature n’attend qu’un grand homme. Sa présence la réhabilite. On dirait que Pan et les fleurs n’ont été créés autrefois par Dieu que pour inspirer des églogues, des drames. Riche d’antiques possibilités, toute créature souhaite un héros qui satisfasse ses desseins. Les tumultueuses incantations qu’Hésiode chanta vers les pasteurs lui ont conquis leur attention. Ce fu leur solennel patron. Puisse-t-il s’élever de pareils poètes. Dégagés de cette stagnation et des provisoires ,contingences, ils glorifieront nos travaux.

Ils chanteront les hommes quand ceux-ci labourent, dans le moment même où ils pèchent, où ils creusent les sonores carrières au flanc des monts. Quoiqu’ils soient couverts d’abjection, ces ruraux et ces laboureurs, je les imagine prêts à resplendir. Leur héroïsme •est imminent. Sous la flamme de nos sages caresses, les vieilles formes humaines seront repétries. Ainsi restituons-leur la haute splendeur des dieux.

A nos personnelles conceptions substituer la pensée d’une race en sorte que vos odes et vos tragédies exposent des spectacles populaires ; retentir comme une profonde lyre sur laquelle frémit l’allégresse terrestre, être un expressif messager, le chantre immobile d’une •corporation ; propager les secrets que nous confièrent les anges ; signaler ce qui est sublime dans de petites péripéties, et ce qu’il y a d’éternel, d’exceptionnel, de séraphique dans les travaux du jour, les feuillages, les faits quotidiens ; considérer le ciel, le monde avec les yeux de Dieu lui-même, quelle magnifique destinée ! L’extraordinaire renoncement ! Rien n’atteint à cette beauté.