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échappe jamais et il ne prophétise qu’à faux. Dans la région des hypothèses il a erré confusément. Son œuvre est commémorative.

Dans Wagner, je vois l’Allemagne même. Ce grand homme est autochtone. Le sang des races coule dans ses veines, mêlé à la sève d’une contrée. Il en réhabilite l’esprit. 11 réalise leurs conjectures. C’est lui qui accomplit les exploits des héros anciens. Wagner équivaut à un peuple et il en dresse l’emblématique statue.

Les Luges qni peuplaient la Poméranie, les farouches Ilermondures de qui les châteaux et les huttes étaient construits sur pilotis, dans des régions paludéennes, les Triloques, les Bructères, ceux qui occupaient les provinces de Spire et les Kauques, pauvre et rude peuplade à laquelle une mer froide, limoneuse et verdâtre offrait des poissons et des coquilles vives, les Endoses ainsi que les Suèves ; toute cette mystérieuse Germanie, enfin, aurait pu s’entendre retentir dans les héros et les chants de Wagner. Cet homme en est l’expression. Le gémissement des cimes l’enchante. Il répercute l’affreuse rumeur qui sort, comme d’une caverne, des forêts hercyniennes. Il en a recueilli les prophéties.

Noires régions peuplées de fantômes ! les géants et les pics brillants à cause des glaces, les plages maritimes où s’ébroue la brise ! le froid et l’âpre odeur des algues, les crimes de l’amour, une furieuse grandeur, unesensualité emphatique quis’abaisse parfois jusqu’aux