Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme les espaces, là-bas, de plaines et de coteaux n’étaient pas encore tout décolorés, nous décidâmes d’y faire d’attendrissantes promenades. — Je pleure, en songeant aux petites herbes sèches que nous froissions et qui craquaient, tandis qu’un ciel froid et livide s’engouffrait sous les voûtes du bois. Les blanches flammes d’un soleil d’hiver se tassaient, sonnantes, dans le sable ardent. Des pins luisaient, se hérissaient de tout l’éclat des aigrettes glauques. Les aromates nous pénétraient.

Ensuite l’air verdit et devint glacial, de sorte que nous restions chez nous. Epuisé de .mélancolie, je vis dépérir les roses de la haie, et le vieux hêtre aussi, dont les grandes branches bercées bruissent devant ma fenêtre.

La solitude inaltérable que nous prophétisait l’hiver me sembla propice à l’amour, et à l’examen de conscience que je m’étais bien proposé de faire. Aussi n’en étais-je point fâché. Pourtant Clarisse se dépitait : j’en conçus du ressentiment. Quoi, pensais-je, voilà un prétexte pour se connaître et elle le refuse tout d’abord ! quand nous faisions nos belles promenades, au hasard des routes et des horizons, nous demeurions à la merci du plus imbécile des passants. Et puis, tous ces gens me froissaient ! Leur séchesse prévue troublait ma ferveur. Peut-on s’aimer au cabaret, sous les grandes tonnelles des guinguettes, dans l’instant que sonnent de frais chalumeaux, tant d’interjections, de colloques ! Combien nous serons mieux ici ! Beau tête à tête sentimental ! Parmi cette chambre tout assombrie par ]’obscur éclat des plâtreuses murailles, comme nous