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décidément vous éloigner de moi ? Vous vous êtes bien souvent émue, quand des catastrophes touchaient à mon bien, à ma renommée ou à mes tendresses. La mélancolie que vous sûtes montrer augmentait alors l’effroi de mon âme, et vous étiez si attristée de mes souffrances qu’il me fallut toujours ensuite vous consoler vous-même, Clarisse, de les partager d’une si vive manière. Hélas ! dans ce moment, Clarisse, je suis encore plus élégiaque que vous ne me pûtes jamais voir. Un flot d’amertume baigne mon cœur, car je suis plus triste que la mort.

Aujourd’hui, devant tant .de grâces répandues sur toute la nature, si nombreuses et si éminentes qu’il n’en restait guère pour vous embellir, vous m’êtes apparue singulièrement froide et j’ai furieusement détesté les méditations qu’il me plut d’écrire. A quoi nous sommes-nous occupés dans ce cénobitique logis ? Ai-je créé des constellations et rempli ma mission humaine ? Hélas ! j’ai perdu la trace des déesses et je ne sais plus la beauté de Dieu.

Quand je vous ai connue, ô ma sauvage enfant, vous n’étiez point du tout pareille à l’épouse tremblante et heureuse que vous avez su devenir. Si les circonstances eussent été propices, je vous aurais sollicitée afin que vous m’accompagniez dans quelque illustre endroit thermal dont la symétrique indolence vous aurait peutêtre extrêmement convenu. Cependant, à cause qu’une jeune femme est apte à toutes les aventures possibles, je résolus de susciter celles que permettaient les gla^ ciales montagnes, le noir ciel semblable à un marécage, et notre ingénieuse réclusion. Tout d’abord, cela vous