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rouge flamboiement de leur sang ! Leurs acquisitions augmentent Dieu. Ce fut de ces grands hommes que nous avons appris la vertu, l’enchantement, la séduction du monde. Leur rôle, parmi nous, n’est point d’émouvoir, au jeu impromptu des caresses, mais de ressusciter l’antique splendeur d’un dieu. Ils aident la tribu à se constituer. Ils tracent l’enceinte du bourg et ils désignent la route. Au bord de la mer infinie, ils signalent l’algue et les poissons. Ils régénèrent les blanches peuplades nomades. En quelque endroit qu’ils aillent, un héros les attend. Ils ornent le monde de leur véracité.

Qui donc, aujourd’hui, distinguerait le candide incarnat de l’aube, l’été et les fleurs, la huche en lourd bois où mûrit l’éclat glauque des pommes, sans ces grands hommes, leurs glorifications ! Ils vécurent au milieu de nous, ils reçurent le bon pain tout gonflé d’écailles d’or, ainsi que le sel sombre et incisif. A la contrée et au hameau leur présence restitua un caractère sacré.

On devrait se mettre à genoux ! D’un grand homme, assurément, rien qui ne demeure tendre et admirable. Quels que soient l’objet, la région, le jour, celui-ci leur confère un pompeux caractère ! En présenced’un Racine, d’un Verlaine, d’un Platon, il faut sentir grande la beauté humaine. Leur souffle et leur pâleur, un rire et une larme, la plainte des feuilles froissées, la chaise où ils s’asseoient, le bon pain et le fruit qu’ils mangent, nous saisissons toutes leurs pensées, ils nous émeuvent