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En vérité, en vérité, de bourg en bourg, parmi de rocheuses îles, des berges et des châteaux, de la hutte du blanc laboureur à la fabrique, de seuil en seuil, nous restons là à espérer. On ne voit rien, on ne sait pas. L’un et l’autre, lacustre ou urbain, chacun brigue le destin d’un beau héros. De plus sublimes péripéties que celles dont s’embellissent ses jours, quiconque médite connaît la possibilité. Ce pressentiment d’héroïsme en permet l’état et la gloire. Il suffirait d’une épée ou d’un thyrse. On souhaite desrôles miraculeux. — Sœur Anne, Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? — Hélas ! rien ne poudroie et personne ne vient. On sollicite, on attend, on demeure. Le farouche grand bœuf meugle aux luzernes bleues, l’âne s’endort, la nuit brûle, une à une s’allument les poternes des routes.

Chacun frissonne, tressaille d’extase. Le bel azur est d’une fraîcheur d’enrance. Le rouge été en or éclate dans les vignes mûres. De froides brises bondissent, roulent sous les tonnelles.

Ce grand homme dont l’obscure présence anoblit la hutte et le parc, chez moi, chez vous, chez l’atroce paysan, peut-être est-il parti depuis les anciens âges, cependant, tout homme demeure plus pompeux, plus suave et plus pur qu’il ne semble. La probabilité d’un héroïque Tityre, candide, diaphane et invisible au fond de sa cabane champêtre, éblouit, magnifie le pire laboureur. Sa gloire ne dépend point de lui-même, mais d’un sage. Nous en avons besoin, vraiment, comme de