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sont enfantines. Au hasard de ces fortes ébauches il se trouve, parfois, des cris terrifiants, d’une farouche, glacée et infernale grâce. Les pires des banalités y cotoient les plus vives splendeurs. L’enthousiasme est étrange.qui les a, l’une et l’autre, accueillies. Je les aime comme des documents sur la vie d’un poète effaré, hagard, constamment. 11 n’y faut rien voir qui soit d’un malade. Un homme, débordant de flammes et de sang, à congelé sa fièvre en d’héroïques phrases. D’ailleurs, il demeure très lucide, toujours. Cette lucidité est extraordinaire. Dès son enfance, il prit conscience de sa carrière. Il ne s’exaspéra jamais à tort. Il est possible qu’il traduise mal ses émotions, d’un style outré, strict, emphatique, elles palpiteut, toujours, logiques, solidement. On sent l’effort d’une volonté atroce : — « Je songe, écrivait-il jadis, à une guerre de droit ou de force, de résultat bien imprévu. » Par la suite, étant en Afrique, il épouvanta la contrée aride.

Rimbaud, quelque part, s’écriait : « — Oh ! les poumons brûlent, les tempes grondent d’orages !... » — Poète, par les dieux, destiné à la Douleur et à la Nuit !

Cette région du Harar où il s’est exilé, sauvage, apparaît la plus admirable, à cause des montagnes qui sont hautes et dont reluit le pic neigeux. Des lacs s’étalent, et des bois odorants. — C’était là, sans doute, sa patrie. En effet, nous semblons ainsi, ici et partout, étrangers, et une nostalgie étrange nous étreint d’un pays ignoré que nous ne verrons pas, et nous ne savons pas pourquoi. Mais nous vivons, de ci, de là, comme des proscrits. Et peut-être le village natal n’est-il pas le lieu d’élection.