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de son existence en témoignait, l’attestait justement.

Ah ! réellement, restons ici — et considérons des héros ! — Pensons : chacun se réalise. Si nos vœux détestent les larmes et la mort, ce n’est point que nous n’y soyons prédestinés. Il s’agit d’accepter les circonstances. Puissiez-vous enfin ne point désirer ces magnifiques triomphes dont vous préserve le monde. Adaptons-nous à notre état. Il faut se soumettre et vivre à l’amiable. Les souffrances où nous sommes surpris, non moins que la fortune, demeurent pures, bénévoles, utiles. L’île, les fleuves et le blanc coteau sur lesquels des rois portent leur apparat, est-ce là le motif de nos élégies ? Consolons-nous, avec une rose, de ne point posséder des provinces et des lacs. Quelques fois, je vous entretiens de l’exil moral d’un Rousseau, d’Hésiode. N’attribuez leurs maux qu’à leur caractère. Ils n’étaient point nés pour l’action. Ils eussent fait de mauvais guerriers et des pasteurs fort malheureux. Les scènes de nymphes et de rivières qu’ils ont décrites, assurément, ce n’était point qu’un pis-aller. Ils n’auraient rien pu réaliser d’autre. Leurs convoitises nous ont trompés, car elles ne les prédisposaient qu’à traduire, avec charme, sans réticence et mieux, les occupations des rois et des dieux, leurs turbulences et leurs idylles, de telle sorte qu’ils les ont ornés des plus solennelles innocences. Dans’ cette situation d’esprit, ils nous apparurent fraternels. Ainsi à travers ces poètes, il nous fut loisible et facile de découvrir le pur, le prodigieux héros, de qui, tout au fond de notre être, habite le spectre transcesdantal, mais que ces philosophes, ces prophètes, ces statuaires, n’auraient