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de me diviniser. Toutes les circonstances où je me trouve pris me sont des sujets de méditation. L’étude que je me proposai ne consiste nullement dans de vaines lectures, mais l’imitation même du victorieux héros de qui je me présume la vertu et les dons. Voilà le dessein que j’avais conçu. Ainsi, tout à la fois, je me poursuis partout. Et je me fuis. Car j’ai peur de moi-même. Dégoûté de l’être ordinaire que je paraissais, journellement j’ai cherché le dieu duquel je suis l’ombre.

Communions ! communions enfin ! J’ai désiré l’eucharistie. Je me suis voulu ductile, malléable. Au contact du glacier diapré et éclatant, j’acquis une extrême transparence. Ma sensibilité s’accrut. Sur la puissante pente des montagnes, comme il m’eût plu de m’épancher ! Les torrents scandaient le flux de mon sang, je me colorai avec véhémence. Les sommets m’offrirent leurs colombes dont le vol groupa, près des rocs, de lourds massifs de feuillages blancs. J’en empruntai la pudeur.

Ces beaux lieux m’ont régénéré. Leur mélancolie demeure solennelle. Froides montagnes qui contenez de l’eau et des métaux, de la craie et des bruyères roses, tumulte écumeux des sauvages torrents, campagnes marécageuses d’où se lèvent les cigognes, ô coteaux, ô fontaines, vous tous en qui palpitent des parcelles de mon être, comme sur la blanche mer à midi les hautes scintillations solaires ! c’est de votre essentielle substance que je me sculpterai avec suavité. Je désire composer mon corps de la sève des pins résineux et des rouges argiles qui nourrissent les arbres. Mes membres