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LES RACINES DU RÉGIME DES CASTES

« scrupules de pureté aryens » comme si ces scrupules, qui pèsent en effet si lourdement sur la caste hindoue, n’étaient pas le lot de beaucoup de races qui n’ont, avec la race hindoue, aucun rapport de parenté. Chez les Sémites comme chez les Aryens, il y a des animaux impurs, le sang contamine, tels contacts sont défendus, spécialement à qui va sacrifier[1]. Et si l’on voulait chercher l’origine de ces croyances, c’est, suivant R. Smith[2], au sentiment du tabou – sentiment familier, semble-t-il, à toutes les races connues – qu’il les faudrait rattacher.

Du moins les scrupules plus particuliers, ceux-là mêmes qui limitent le connubium et la commensalité, seraient-ils spéciaux aux Aryens ?

Pour démontrer que la caste hindoue descend en ligne directe de la famille aryenne, M. Senart nous rappelle que la « communion », la communauté du repas, signe essentiel de la communauté de caste est aussi, aux yeux des peuples aryens, un symbole sacré de parenté. Mais c’est précisément en étudiant la religion des peuples sémites que R. Smith a été amené à mettre en lumière l’importance du « repas sacrificiel ». Chez les Sémites, le banquet sacrificiel est essentiellement une fête de parents. Le repas sacré unit non seulement le fidèle au dieu mais les fidèles entre eux : il leur donne la même chair, il fait circuler en eux le même sang. « L’acte de manger et de boire avec un homme est le symbole et la confirmation de la parenté, la preuve qu’ils sont liés par des obligations sociales mutuelles. » Si bien qu’il suffit d’avoir partagé le repas d’un homme pour devenir en quelque sorte son frère[3]. Tant il est vrai que pour les Sémites aussi bien que pour les Aryens, il y a d’étroits rapports entre la

  1. R. Smith, The Religion of the Sémites, Gifford lectures, 1890, p. 159 sqq.
  2. Ibid., p. 448-452.
  3. The Religion of the Semites, p. 269-275. Cf. Reinach, Cultes, mythes et religions, Paris, Leroux, 1905, I, p. 96-104.