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de castes ? Ce n'est pas seulement par cent formules, à propos de tout et de rien, que le drame comme l'épopée prêche le respect du régime. Il lui rend hommage encore par la diversité même des langues qu'il fait parler à ses personnages. Il emploie à marquer les rangs la hiérarchie des dialectes. Les traités techniques définissent soigneusement celui qui convient à chaque condition. Le sanscrit est réservé aux gens de haute famille. Les autres parlent, selon leur situation, des prâcrits plus ou moins vulgaires 560.

Il faut dire d'ailleurs que les gens de condition inférieure ne tiennent dans le drame que des rôles secondaires : « le menu peuple compte aussi peu dans le drame que dans la vie ». L'intrigue s'enferme le plus souvent dans les palais. Les protagonistes sont des princes, seuls dignes de retenir, par le spectacle de leurs aventures amoureuses ou guerrières, l'attention de l'auditoire aristo­cratique assemblé dans les salles de concert.

Le caractère de cet auditoire n'explique-t-il pas, au surplus, non seulement le respect de la hiérarchie dont le théâtre témoigne, non seulement la qualité des personnages et la nature des sujets, mais jusqu'au ton général des œuvres ? On a observé qu'elles sont, en un sens, aussi peu émouvantes, ou du moins aussi peu troublantes que possible. Elles paraissent éviter de parti pris non seulement tout ce qui pourrait souiller, mais tout ce qui pourrait surexciter. C'est sans doute qu'il leur faut avant tout respecter la pureté native et la noblesse morale de l'élite à qui elles s'adressent. Elles la transporteront donc doucement, par le moyen d'un prologue habile, dans le monde idéal des légendes, qui d'ailleurs lui sont familières. Elles ne lui suggéreront que des émotions qui soient à la hauteur de sa situation sociale 561.