Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée
189
LE DROIT

les castes brahmaniques. Mais si nos dernières observations sont exactes, même ces demi-dieux ont dû faire acte de dépositaires plus que de créateurs. D’innombrables collectivités, que leur constitution même prédisposait au maintien des traditions, leur apportaient des faisceaux tout faits de coutumes, qu’ils se contentent le plus souvent de consacrer en les faisant converger.

Les mêmes analyses nous aideront peut-être à mieux comprendre pourquoi, d’une manière générale, dans le droit hindou le droit pénal parle si haut et frappe si fort. Et sans doute il semble que nous ayons déjà fourni une explication du fait en rappelant pour quelles raisons la religion continue d’enserrer toute la vie hindoue. Ne saisit-on pas un rapport constant entre la prépondérance des conceptions religieuses et la dureté du système pénal 401 ? Là où elles apparaissent comme les violations d’un ordre divin, il est naturel que les fautes inspirent une horreur sacrée, et qu’elles soient réprimées avec une vigueur sans mesure.

Mais l’explication ainsi présentée est-elle suffisante ? D’abord, tout en gardant la haute main sur les institutions, la religion ne pouvait-elle user progressivement de menaces moins lourdes ? Il est vrai que les croyances primitives « réagissent » avec une sorte de brutalité aveugle. Mais puisque la religion hindoue se prête à une certaine Ethisierung, puisqu’on peut discerner, dans la tradition de ses juristes-prêtres, une sorte de progrès qui se révèle au raffinement de tel concept juridique, pourquoi ce même progrès ne se serait-il pas traduit par une atténuation des peines ? Il reste à montrer la force qui s’opposait à cet adoucissement.

I. V. Westermarck. Origin and dev, of the moral ideas» p. 1 98-198.