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LE DROIT

Et, à vrai dire, ces expressions mêmes prêtent à l’équivoque. Ici encore l’orgueil du sang, réfractaire à toute unité, fait sentir ses effets isolants. Nous avons vu qu’en réalité le brahmanisme n’est rien moins qu’un corps. Son originalité, disait S. Maine, vient de ce qu’il ne repose sur aucune organisation 363. C’est que non seulement dans la classe brahmanique des castes nombreuses continuent de se distinguer, mais encore chaque Brahmane, surhomme de naissance, comme il n’a besoin d’aucune investiture, ne reconnaît théoriquement aucun supérieur hiérarchique. Cette foule de prêtres-nés n’a rien de commun avec une Église 364.

Il n’en reste pas moins que, exemplaires de la race noble par excellence et modèles de la pureté aryenne, exécuteurs des mêmes opérations rituelles et commentateurs des mêmes révélations, ces prêtres-nés représentent un même idéal, jouissent d’un même prestige, et qu’ainsi, sans être à proprement parler unifiés eux-mêmes, ils sont capables d’imprimer à l’Inde la seule espèce d’unité qu’elle pouvait supporter.

Il ne devait pas manquer d’ailleurs, pour la culture de cette tradition religieuse, de se former des écoles. Il est nécessaire mais il n’est pas suffisant, pour mériter le titre de Brahmane, d’être né de sang brahmanique. Il y faut une initiation qui est une seconde naissance ; il y faut l’étude des Livres saints. Et comme ces Livres sont plusieurs, et plus nombreux encore les commentaires auxquels ils ont donné lieu, il se formera des traditions spéciales qui serviront de centres de groupement aux étudiants brahmanes.

Ce sont sans doute des groupements de ce genre qui ont donné naissance aux codes que nous connaissons. Faut-il parler à ce propos de véritables écoles de droit ?

I. Études sur l’Histoire du droit, p. a83.

a. Schrôder, Indiens Literatur und Kultur, p. 412.