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LES EFFETS

l’« anthroposociologie » fait valoir des prétentions nouvelles. Loin de méconnaître le fait de l’hétérogénéité ethnique, elle y prend son point de départ. Par des mesures précises elle s’efforce de discerner les diverses couches de races qui se superposent dans les sociétés. Elle entend mettre au jour des différences physiques dont la diversité mentale et l’inégalité sociale ne sont que les conséquences logiques.

Le malheur est qu’ici encore l’histoire brouille les cartes. Elle brasse et mêle des éléments qui, pour permettre à l’anthroposociologie de vérifier ses thèses, devraient rester isolés.

Ce qu’on appelle le progrès ne se définit-il pas par la diminution des distances, tant matérielles que morales ? Par là, non seulement il rassemble en un même lieu, souvent loin de leur pays d’origine, les individus de races différentes, mais encore il les incite à des mélanges incessants. Comme les barrières des provinces, les barrières des classes s’abaissent progressivement au sein des nations. On n’a plus la même horreur des mésalliances. Avec la démocratie, l’âge est venu, comme disait Gobineau, de la « panmixie », du métissage universel, de l’impureté générale. C’est ainsi que nos sociétés, au lieu de nous présenter deux ou trois types nettement définis, faciles à distinguer et à classer, dont nous aurions pu aisément suivre les destinées et comparer les qualités propres, ne nous offrent plus que des collections de types hybrides, presque indiscernables, et littéralement « insignifiants ». Toutes les proclamations de l’anthroposociologie se terminent par le même cri d’alarme. « Les types intéressants disparaissent à vue d’œil : les mélanges et croisements augmentent dans des proportions désastreuses[1] ».

  1. Topinard. L’Anthropologie du Bengale, dans l’Anthropologie, mai-juin 1892, n° 3, p. 282.