Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

esté assez difficile de la toucher par son esprit, puisqu’on ne sçauroit en avoir moins—il mit en usage le talent des larmes, dont la Nature l’a doué, au deffaut de mille bonnes qualitez. Il se servit donc de ce moyen pour la convaincre de l’amour qu’il avoit pour elle, et luy protesta tant de fois qu’il mourroit de douleur, si elle differoit une chose où il bornoit toute sa félicité, qu’il la toucha autant de pitié que d’amour, et elle luy promit de l’espouser, lorsqu’elle auroit mis ses affaires dans un estât, que sa fille, qu’elle aime peu, ne la pust inquiéter ; qu’elle le prioit de ne pas divulguer la chose, que tout ne fust réglé.

Guerin, qui jugea bien qu’il ne retrouveroit pas une si belle occasion, profita des dispositions sensibles où il la trouvoit, et la pressa avec tant de succès que la consommation des nopces se fit avant la ceremonie. Il fut mesme si heureux qu’il mit la Moliere dans la nécessité de l’espouser, si elle vouloit garder quelques mesures dans le public, et sa grossesse pareut si fort qu’elle n’osoit presque plus joüer. Elle prit donc toutes les précautions qu’il falloit pour espouser Guerin secrettement, afin de faire croire qu’il y avoit desjà longtems que leur mariage estoit fait, et que le fruit qu’elle portoit estoit conçeu dans toutes les formes.

La Guerin eut des preuves essentielles, plus tost qu’elle ne pensoit, qu’il n’est point de ma-