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l’espouser, ce n’estoit pas dans la veüe de tous les hommes qui se devoüent à ces sortes d’engagemens ; qu’il se flattoit de iuy faire gouster dans le mariage des douceurs inconneues jusqu’alors par le peu de sympathie qui se rencontre d’ordinaire dans ces sortes de nœuds, dont l’interest qui les a formez corrompt tous les plaisirs ; que, d’ailleurs, il avoit en horreur cette obéissance aveugle où la pluspart des hommes veulent assujettir leurs femmes, et qu’elle ne devoit pas douter qu’elle ne fust tousjours la maistresse absoleue de ses volontez comme de son cœur.

La Moliere se laissa peu à peu aller à ses promesses. Elle luy avoit desjà fait quitter la Guyot, et il mangeoit d’ordinaire chez elle, où elle le traittoit en esclave, pour l’accoustumer à souffrir ses hauteurs. Elle mettoit quelquefois sa patience à de si rudes espreuves qu’on estoit estonné qu’il les pust souffrir. Pour luy, il avoit trop d’experience pour ne pas sçavoir qu’on touche plustost les femmes en leur applaudissant dans leur petites foiblesses qu’on ne fait avec tout le merite possible. La complaisance luy réussit, lorsqu’il n’avoit plus d’esperance. Il commençoit à perdre courage, voyant que tout ce qu’il faisoit ne la persuadoit point de terminer leur mariage. Il eut recours à quelque chose de plus insinuant que des parolles— d’ailleurs, il luy eust