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homme qu’elle n’avoit jamais veu. Ce n’est pas qu’il ne soit permis d’entrer dans les loges des Comédiennes, mais il faut, du moins, que ce soient gens qu’elles connoissent ; c’est pourquoy la Moliere, qui n’avoit jamais veu son visage, fut surprise de sa hardiesse, et, pour l’en punir, elle resoleut de ne rien respondre à tout ce qu’il luy diroit. Il creut d’abord qu’elle n’osoit parler en la presence de la femme de chambre qui la deshabilloit ; ce fut un nouvel obstacle pour le Président, que cette fille ; et, comme il n’osoit tesmoigner son inquiétude devant elle, il faisoit signe à la Moliere de la renvoyer et qu’il avoit quelque chose à luy dire. La Moliere n’avoit garde de respondre à des signes quelle n’entendoit pas. Mais nostre amant, qui croyoit estre assez d’intelligence avec elle pour qu’elle deust comprendre cette façon de s’exprimer, toute muette qu’elle estoit, prenoit pour des marques de colere le refus qu’elle faisoit d’y respondre, et l’envie qu’il avoit d’apprendre ce qui causoit cette froideur l’obligea de s’approcher et de luy demander ce qui l’avoit empesché d’avoir le bonheur de la voir l’après-disnée.

La Demoiselle luy demanda, d’un ton fort haut, ce qu’il disoit ; il luy demanda, d’un ton encore plus bas, si l’on osoit dire devant cette fille ce que l’on pensoit. La Moliere, estonnée de ce discours, luy respondit d’une