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quelques mois que tout le monde y estoit trompé.

Un Président de Grenoble, nommé Lescot, qui estoit devenu amoureux de la Moliere en la voyant sur le Theatre, cherchoit par tout Paris quelqu’un qui luy en pust donner connoissance. Il alloit souvent chez une femme, nommée la Ledoux, dont le mestier ordinaire estoit de faire plaisir au public : il luy tesmoigna qu’il souhaitteroit connoistre la Moliere et que la despense ne luy cousteroit rien, pourveu qu’il pust se satisfaire. La Ledoux, par malheur, ne la connoissoit point. La chose n’auroit pas esté difficile pour peu qu’elle eust eu d’habitude avec elle ; neantmoins, elle se souvint que, sans se donner tant de peine, la Tourelle pourroit admirablement faire ce personnage. C’est pourquoy elle dit au Président qu’elle ne la connoissoit point, mais qu’elle sçavoit une personne qui la gouvernoit absolument ; qu’elle la feroit pressentir sur ce chapitre, et que, dans quelques jours, elle luy en diroit des nouvelles. Le Président la conjura de ne rien oublier pour le rendre heureux, et qu’elle devroit estre seure de sa reconnoissance.

Du moment qu’il fut sorty, elle envoya chercher la Tourelle, à qui elle dit qu’elle avoit trouvé une bonne duppe ; qu’il en falloit profiter ; qu’elle se tinst preste pour le jour qu'elle l’enverroit quérir, et qu’elle se preparast à bien