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passée, qu’il n’estoit pas à propos de bannir Du Boulay, quand mesme il ne la devroit pas espouser, puisqu’il faisoit une despense assez considérable pour le vouloir conserver. La Chasteauneuf luy dit qu’il luy falloit escrire que, quelque résolution qu’elle eust prise contre luy, il ne luy estoit pas possible d’estre plus longtems sans le voir. La Moliere, à l’instant, luy escrivit ce billet :

Je ne veux plus me souvenir que vous m'avez, offensée, puisque j’ay la foiblesse de vous aimer encore après la tromperie que vous m'avez faite ; je dois oublier le sujet que j'ay de me plaindre de vous, afin de rendre ma tendresse plus excusable, et je vous attens pour vous donner une grâce que l'amour doit signer.

Du Boulay accoureut au pieds de la belle, à qui il dit tout ce qu’il trouva de plus tendre. Il évita adroitement de luy parler du sujet qui les avoit mis mal ensemble : il luy proposa mille divertissemens, et, quoyqu’il ne soit pas fort libéral, sa passion l’avoit rendu prodigue pour la Moliere. Les festins et les bijoux estoient des preuves convaincantes que l’amour peut changer le tempérament, et il en estoit si fort amoureux que leur commerce auroit duré longtems si la belle eust eu de la conduite. Mais ce qu’elle fit pour Guerin le degousta si fort, qu’il ne se souvint qu’à peine qu’il en eust esté amoureux, et voicy ce qui le dégagea.