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cevoir de sa facilité le jour d’auparavant, elle prit un caractère de fierté qui luy pust entièrement oster l’esperance de venir au comble de ses souhaits que par des voies honnestes.

Du Boulay fut surpris de ce grand serieux ; mais, comme il la connoissoit capricieuse, il n’en descouvrit pas le mystère, et tascha seulement, par ses caresses ordinaires, à la faire revenir de sa mauvaise humeur. Il luy en fit mesme qui luy pareurent trop vives pour ce qu’elle s’estoit proposé ; elle s’en deffendit au commencement avec quelque espece de douceur, mais, comme elle vit qu’il continuoit avec la mesme ardeur, elle se mit fort en colere, luy disant qu’elle voyoit bien qu’il estoit du nombre de ceux qui se mettent dans l’esprit qu’il n’y a pas une Comedienne qui ait de la vertu.

« Sçachez, luy dit-elle, que si les manieres honnestes que j’ay eues pour vous vous ont fait croire que vous pouviez tout obtenir de moy, j’en useray à l’avenir d’une maniere qui vous fera connoistre que vous vous estes bien trompé dans cette pensée. — Je suis au desespoir de vous avoir faschée, luy dit Du Boulay ; mais il faut pardonner quelque chose à la passion qui fait que je ne suis pas maistre de moy-mesme, lorsque je vous vois. — Vous ne m’aimez pas tant que vous dites, reprit la Moliere ; il me faudroit d’autres preuves pour me le persuader. — Quelle injustice ! reprit Du Boulay. Quoy !